Depuis quelques années, des techniques de récupération utilisant des immersions dans l’eau froide ou l’eau chaude ont fait leur apparition dans le monde sportif. Ces méthodes sont-elles vraiment efficaces ? Que dit la science à ce sujet ? Le triathlète peut-il vraiment en tirer des bénéfices ?

Par Romuald Lepers

Dans la recherche d’optimisation de la performance sportive, une importance particulière est portée aux processus de récupération visant à potentialiser les adaptations à l’entraînement. Les exercices soutenus et intenses peuvent augmenter les dommages musculaires en particulier s’ils comportent une composante excentrique (ex. course en descente). Les dommages musculaires induits par l’exercice augmentent le temps de récupération post-exercice et peuvent affecter négativement la performance pendant plusieurs jours. De nombreuses méthodes de récupération ont fait l’objet d’études, comme des méthodes physiologiques (ex. récupération active, massage, cryothérapie, thérapie par la chaleur) ou des interventions nutritionnelles (ex. suppléments et compléments alimentaires). La récupération est d’autant plus déterminante dans les disciplines sportives où les charges d’entraînement soumettent les athlètes à des stress importants, afin d’éviter le surentraînement et de limiter le risque de blessures.

Cryothérapie et kaumathérapie

Depuis plus d’une décennie, les techniques d’immersion sont beaucoup utilisées chez les athlètes. Parmi les techniques de récupération physiologique, la cryothérapie (traitement par le froid, incluant les bains froids) et la thérapie par la chaleur, aussi appelée kaumathérapie, incluant les bains chauds, ont suscité un engouement important. Cependant, l’utilisation de ces méthodes a longtemps été très empirique et se basait sur des paramètres subjectifs. Les techniques d’immersion consistent en la plongée d’une partie ou de la totalité du corps dans l’eau à différentes températures. Cela se fait la plupart du temps sous forme de bains. Les effets de l’utilisation régulière de ces différents modes de récupération sont encore, à ce jour, mal connus, en particulier chez les athlètes Elite. Les études se focalisent la plupart du temps sur l’impact que peuvent présenter ces méthodes sur les symptômes aigus liés aux dommages musculaires ou à la fatigue. Néanmoins, l’utilisation chronique (répétée sur plusieurs jours ou semaines) de certaines méthodes de récupération peut influencer les adaptations à l’entraînement et impacter l’évolution des performances dans le long terme. Il faut bien se rappeler que l’utilisation de méthodes de récupération inappropriées peut limiter voire bloquer certaines adaptations à l’entraînement.

Les bienfaits du froid et du chaud à l’entraînement

Le froid présente des vertus indéniables dans certaines situations. Le froid est, par exemple, efficace en phase aiguë d’une blessure. Il permet notamment de limiter l’œdème. De fait, l’application du froid permet de modérer une inflammation qui aurait pu se révéler excessive. Le froid protège également certains tissus des effets produits par la réaction inflammatoire et provoque localement une légère anesthésie qui explique le soulagement ressenti lors du glaçage. Sur la base de ces constats d’ordre clinique, la question de l’utilisation du froid après un exercice a pris de plus en plus d’importance dans le domaine du sport. De manière empirique, les athlètes utilisent les méthodes de bains froids en vue d’accélérer leur récupération après l’entraînement et de potentialiser les effets de ce dernier dans le long terme. Mais de nouveaux éléments sont apparus ces dernières années. Comme pour tout, il y a de bons et de mauvais côtés.

Des analyses récentes de la littérature scientifique (appelées méta-analyses) dans ce domaine ont récemment permis d’y voir un peu plus clair en ce qui concerne l’utilisation de bains froids en phase aiguë, c’est-à-dire immédiatement après une séance d’entraînement. Tout d’abord, précisons que, d’un point de vue méthodologique, les études qui ont relevé des effets bénéfiques utilisaient une eau froide de l’ordre de 10 °C (entre 5 ° et 13 °C), la durée moyenne d’exposition étant de 13 minutes (entre 10 min et 24 min).

Mais quels sont précisément les effets bénéfiques de l’immersion ? Si l’on retient des paramètres subjectifs, la méthode semble efficace pour limiter les courbatures 48h, 72h et 96h après des protocoles de nature excentrique induisant des dommages musculaires. Cependant, aucun effet à 24h n’est relevé dans la plupart des travaux. Les athlètes adeptes des bains froids perçoivent aussi moins de douleur après leur entraînement.

Si l’on s’intéresse maintenant à des critères plus objectifs, de nombreuses études ont clairement montré que le froid n’avait aucun effet significatif sur différents marqueurs biologiques comme les taux de lactate ou de créatine kinase, et même sur des marqueurs de l’inflammation lors de contraintes musculaires importantes de type excentriques. Il s’agit essentiellement d’une récupération plus rapide du niveau de puissance musculaire (effort bref), de la sensation de douleur, et de la perception d’avoir récupéré convenablement. Mais cela ne se répercute pas pour autant sur la performance d’endurance et il n’existe aucun impact positif sur la récupération des niveaux de force musculaire.

L’intérêt des bains chauds

Concernant la chaleur, les données sont plus rares dans la littérature scientifique, bien que certains résultats soient favorables à ces méthodes pour plusieurs variables. Parmi les effets potentiellement bénéfiques, les bains chauds pourraient stimuler les flux sanguins au niveau des membres inférieurs en récupération et augmenteraient la température musculaire. Cela permet potentiellement un meilleur approvisionnement en nutriments et en oxygène. À l’issue d’un exercice épuisant, d’autres données montrent que l’immersion en bain chaud permet de retrouver plus rapidement des niveaux de force maximale isométrique et une performance en répétition de sauts. Cependant, les résultats sont plus contradictoires sur d’autres variables telles que l’effort perçu (RPE), la fréquence cardiaque, les douleurs musculaires d’apparition retardées (DOMS), la performance en sprint et en course contre la montre. Retenons néanmoins que les études sont trop peu nombreuses pour définitivement statuer, d’autant plus que des différences majeures existent sur la nature des protocoles (durée de l’exposition, température, etc.).

Quid de l’effet placebo ?

Il est important de mentionner que la majorité des études conduites présente un nombre important de biais potentiels et de limites à prendre en considération. Tout d’abord, les groupes contrôles, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas immergés dans les bains, ne faisaient tout simplement rien alors que placer ces sujets dans un bain ou dans une pièce à neutralité thermique pendant un temps équivalent à celui de l’immersion aurait été plus juste. Qui nous dit qu’il ne s’agit tout simplement pas d’un effet placebo très connu pour influencer la performance sportive. À ce titre, lors d’une étude datant de 2014, des athlètes ont suivi trois méthodes de récupération pendant 15 minutes après une séance d’entraînement à haute intensité (HIT) : une immersion en bains à neutralité thermique (≈ 35 °C), la même condition avec application d’un nettoyant pour la peau (afin de générer un effet placebo), et une immersion en bains froids (≈ 10 °C). Les auteurs ont mis en évidence des niveaux de forces maximales isométriques plus élevés dans le groupe placebo et celui ayant suivi la récupération en bains froids. Les niveaux de perception de la douleur étaient plus faibles et les états de vigueur et de préparation à l’exercice étaient significativement supérieurs. Ces deux dernières conditions ne présentaient cependant aucune différence sur l’ensemble des variables, d’où la conclusion que les effets des bains froids étaient les mêmes que ceux du placebo.

récupérer par le froid

Une autre limite concerne la population. Les travaux sont effectués presque uniquement chez des hommes, alors que, par exemple, la masse grasse est plus élevée chez les femmes. Or, le tissu adipeux possède une influence sur les effets des bains froids. Enfin, une chose que l’on peut concevoir aisément : les effets peuvent être plus faibles chez les athlètes hautement entraînés que chez des novices en sport, ce qui limite une fois de plus la portée des résultats et leur extrapolation à l’ensemble de la population sportive. En fin de compte, il existe beaucoup de biais et de limites au sujet de ces techniques, qui peuvent en outre générer chez certains athlètes un inconfort non négligeable, en particulier pour ce qui concerne les bains froids.

Entraînement biquotidien : froid, chaud ou récupération active ?

Une étude a révélé une absence d’effet sur la performance de l’immersion en bains froids répétée à plusieurs reprises dans la même journée. L’immersion en eau froide ne semble pas constituer une solution efficace de récupération pour les phases de qualification comportant plusieurs épreuves dans la même journée, dans des conditions environnementales normales.

Par ailleurs, une étude a démontré que les méthodes utilisant la chaleur permettaient d’accélérer la synthèse des réserves glycogéniques musculaires et de limiter la diminution de la puissance moyenne développée lors d’exercices entrecoupés par une récupération de deux heures. Dans ce travail, l’utilisation du froid ralentissait la resynthèse glycogénique et réduisait la performance, contrairement à la chaleur.

Une étude récente, issue d’une collaboration entre l’INSEP, le LIPSEM, l’université de Montpellier, celle de Lausanne et la fédération française des sports de glace (équipe nationale de short-track), a comparé l’impact de trois méthodes de récupération classiquement utilisées en sport sur la performance lors d’un entraînement biquotidien. La première séance, administrée peu après le réveil, consistait à réaliser des séries de sprints sur la glace pendant environ 1 h 15 afin de générer un niveau de fatigue élevé. La seconde séance était réalisée 1 h 30 après la fin de la première et consistait en une répétition de sprints de 10 s sur ergocycle, entrecoupés de 20 s de récupération seulement entre les dix séries. Entre les deux séances d’entraînement, les athlètes ne suivaient pas le même protocole. Certains récupéraient dans un bain froid à 12 °C (15 min), d’autres étaient immergés pendant 20 minutes dans un bain chaud à environ 41,5 °C. Un troisième groupe observait une récupération active de 15 minutes sur ergocycle. Pendant trois semaines, les athlètes ont répété le protocole en changeant de mode de récupération à chaque fois selon la méthode du crossover. Détail important, entre les deux séances d’entraînement, les athlètes consommaient une boisson riche en glucides et en acides aminés afin de favoriser la reconstitution des réserves énergétiques. Les résultats sont les suivants : les récupérations actives sur ergocycle et en bains chauds permettaient de favoriser la réalisation de la seconde séance d’entraînement. Notons également que les effets des bains chauds et froids étaient corrélés au pourcentage de masse grasse des athlètes, sans qu’il n’y ait de différence entre les hommes et les femmes. Autrement dit, la température du bain impactait davantage la performance chez les athlètes qui présentaient un taux de masse grasse plus faible.

Prises ensemble, ces données permettent de formuler des recommandations pratiques pour les triathlètes même si, à ce jour, aucune étude spécifique n’a été réalisée en triathlon. L’utilisation des bains chauds ou la récupération active peuvent s’avérer efficaces lors de séances biquotidiennes à forte sollicitation énergétique, en vue d’améliorer la charge de travail ou la performance au cours de la seconde session d’entraînement. Cependant, dans ce modèle, les bains froids devraient être évités. Retenons tout de même que bien que la cryothérapie ne semble pas améliorer la récupération du muscle squelettique, des effets positifs ont cependant été trouvés dans d’autres études sur la régulation de la température corporelle (hyperthermie), la tension artérielle, la réactivation du système nerveux parasympathique, et la fatigue du système nerveux central après des exercices épuisants ou après des exercices conduits en ambiance thermique chaude. L’utilisation du froid avec la cryothérapie semble être intéressante si le but principal n’est pas de favoriser la récupération entre deux séances d’entraînement rapprochées.

En conclusion…

En résumé, l’utilisation des bains froids en récupération peut s’avérer favorable pour les exercices réalisés à haute intensité, du moins pour retrouver ses niveaux de puissance musculaire maximale, limiter les courbatures et améliorer la sensation d’avoir récupéré. Le triathlète est peu confronté à des exercices à haute intensité. Il y a donc peu de chance qu’il en tire des bénéfices réels, mise à part une impression qu’il a mieux récupéré. Il ne faudra pas utiliser cette impression pour en remettre une couche trop précocement à l’entraînement !

La thérapie par la chaleur semble désormais être adoptée par de nombreux sportifs et les preuves scientifiques sont en accord avec cette nouvelle orientation. En effet, alors que l’utilisation des bains froids en chronique inhibe certaines adaptations à l’entraînement, les bains chauds semblent plutôt bénéfiques. Bien qu’il y ait très peu de données à l’heure actuelle, l’utilisation des bains chauds de manière répétée après les séances d’entraînement semble en effet favoriser les gains de performance aérobie (endurance et VO2max), ce qui pourrait être intéressant pour le triathlète. Une partie des effets positifs de la thérapie par la chaleur sur la performance aérobie pourrait être liée à une augmentation du volume plasmatique. En aigu, l’utilisation des bains froids entre deux séances à haute intensité doit également être évitée dans le cadre d’un entraînement biquotidien à prévalence énergétique comme les réalisent souvent les triathlètes. D’après la littérature, la reconstitution des réserves de glycogène peut être affectée par le froid et expliquerait en partie une détérioration de la performance observée lors d’une seconde séance de sprints répétés réalisée au sein de la même journée. Dans ce contexte, les bains chauds et la récupération active sur ergocycle ne sont pas contre-indiqués.

 

Source

Cet article est inspiré d’une publication dans le magazine Réflexions Sport de l’INSEP de décembre 2022, intitulée « la récupération par immersion en bains chauds et froids : état des lieux en 2002 » rédigée par Anthony Sanchez, chercheur en biologie à l’Université de Perpignan.

 

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