Activité physique et sportive d’endurance dite « multivariée » ou « multi enchaînée », le triathlon trouve une grande partie de son essence et de son originalité dans l’enchaînement des trois disciplines qui le composent. Cet enchaînement s’effectue à deux moments précis de l’épreuve ; moments communément appelés « transitions ».T1 correspond ainsi à la première transition qui consiste à enchaîner l’épreuve de natation avec celle de cyclisme ; et T2 à la seconde transition vélo-course à pied. C’est à cette dernière que nous allons nous intéresser dans cet article.

Par Renaud CADIERE

Que vous soyez débutant, confirmé ou professionnel, c’est lors de cette fameuse Transition vélo-course à pied (T2) qu’une grosse partie de votre course, de votre performance ou encore de votre défi personnel, se joue ! Ce n’est pas pour rien qu’un vieux proverbe dit : « une course peut se perdre en natation mais surtout, elle se gagne en course à pied ». Autrement dit, réaliser une « bonne T2 », c’est l’assurance pour vous d’atteindre votre objectif, voire à minima, de finir votre épreuve sur une bonne note avec une belle course à pied à la clé.

Qu’entendons-nous par « réaliser une bonne T2 » ?

T2 revêt un caractère particulièrement important en triathlon car elle intervient en dernière partie de course, moment où « l’adaptation du triathlète, quel que soit son niveau de pratique, est modifiée […] et peut se traduire par des altérations d’ordre physiologique, biomécanique ou encore posturale (Hausswirth et coll., 1997a ; Hue et coll., 1998 ; Millet et Vleck, 2000). Il est clair que de courir après le vélo n’est pas anodin et demande à notre organisme de nombreuses adaptations !

Sur un plan physiologique, plusieurs études scientifiques réalisées sur des triathlètes mettent tout d’abord en avant une augmentation du coût énergétique relevé lors d’une course à pied réalisé après une épreuve cycliste, en comparaison à une course à pied dite « isolée ». Et cette augmentation est d’autant plus importante que l’effort est prolongé, comme c’est le cas sur format full Ironman. L’augmentation de la concentration des acides gras plasmatiques, l’élévation de la température corporelle associée à une diminution du poids corporel sont autant de facteurs qui peuvent expliquer cette augmentation du coût énergétique pendant et après T2.

Au niveau cardiorespiratoire et dans des conditions similaires de course à pied réalisée après le vélo, les études montrent une élévation de la fraction de la consommation maximale d’oxygène (VO2max), de la fréquence ventilatoire et de la fréquence cardiaque en comparaison avec une course à pied réalisé « à sec ». La déshydratation et l’altération du processus de thermorégulation, notamment dans le cadre d’efforts longues distances peuvent en grande partie expliquer ces résultats.

Enfin l’épreuve de cyclisme a également un impact sur la course à pied sur les plans musculaire et postural. Des études scientifiques réalisées sur des triathlètes mettent en évidence une inclinaison plus importante du tronc vers l’avant et une diminution de la longueur de foulée observés immédiatement après une épreuve de cyclisme en comparaison avec une course à pied « isolée » (Hausswirth et coll., 1997). Ces modifications s’expliquent essentiellement par le passage d’une position assise voire couchée (sur le vélo) à la position debout en course à pied. Mais aussi par des modes de contraction musculaire qui passent subitement du concentrique (en cyclisme) à l’excentrique (en course à pied).

Transition vélo-course à pied

Un impact sur la technique de course

Au-delà des impacts physiologiques, la transition vélo – course à pied met en jeu des aspects techniques qui interviennent durant l’intervalle de temps qui se situe entre l’approche du parc de transition, à la fin de l’épreuve cycliste et la sortie de ce dernier.
C’est durant ce laps de temps relativement court que ces éléments techniques de T2 jouent un rôle important sur votre performance globale. C’est d’autant plus le cas si nous parlons de formats courts d’épreuves (XS, S, M).

Aussi au regard des différents éléments exposés et pour répondre à notre question initiale, « réaliser une bonne T2 » revient selon nous, à non seulement réaliser une transition rapide, en passant le moins de temps possible dans le parc à vélo après la pose de ce dernier ; C’est ici que la maîtrise des aspects techniques de la transition prédomine.

Mais réussir votre T2 revient aussi et surtout, à courir de manière la plus efficiente possible et ce, malgré les parties natation et cyclisme qui précèdent cet ultime effort. Là réside à notre sens, l’une des plus grande difficulté (d’ordre physiologique) du triathlon.

Aussi, afin de vous aider à aborder T2 de manière plus sereine et efficiente, voici une proposition de séances clés aux visées à la fois techniques et physiologiques, réalisables partout, à tous niveaux, pour tous formats d’épreuves.

Proposition de séances à visée technique

Séance 1 :
Objectif : S’entraîner à descendre de son vélo et à courir avec.

Lieu conseillé : Une aire plane et spacieuse (parking, place, terrain de foot) ou idéalement sur la longue ligne droite d’une route peu passante.

Matériel nécessaire : Vélo – pédales plates – casque – chaussures de running – chaussures de cyclisme/triathlon.

NB : Si vous êtes débutant ou peu habitué à ce type d’exercice, nous vous préconisons de d’équiper votre vélo de pédales plates et de réaliser l’exercice avec vos chaussures de running. Cela en facilitera l’exécution et limitera le risque de chute. Utiliser un VTT avec une selle un peu plus basse ou encore effectuer cet exercice sur un home-trainer peuvent également être de bonnes alternatives pour débuter…

Descriptif : Sur une longue ligne droite (d’une centaine de mètres au moins), tout en pédalant sur votre vélo, réaliser 10’ de l’exercice présenté ci-dessous et décomposé comme suit :
1. Tout en pédalant, regardez loin devant-vous. Ne regardez pas (ou peu) vos pieds, cela sera le meilleur moyen de dévier de votre trajectoire ou pire, de percuter un obstacle et de tomber !
2. Prenez bien appui sur les cocotes/poignées de votre vélo
3. Tout en prenant bien appui sur votre pied/pédale préférentiel(le) (côté duquel vous avez l’habitude de descendre de votre vélo), levez votre jambe opposée, faites-la passer derrière votre selle et venez la placer à l’intérieur de votre jambe en appui sur la pédale.
4. Vous vous retrouvez debout en appui sur une seule pédale, à côté de votre vélo.
5. Dans cette position, gardez votre corps droit et restez bien proche de votre vélo (contact cuisse/cadre).
6. Cette phase consiste à descendre de votre vélo et à le pousser tout en courant : Pour ce faire, adaptez votre vitesse, prenez toujours bien appui sur vos mains et sur votre pied posé sur la pédale et avancez votre pied libre pour le poser au sol et courir à côté de votre vélo. Notons que la course à côté de votre vélo peut se faire en tenant votre potence ou idéalement en poussant et guidant le vélo en le tenant par le dessus de la selle.
Puis répéter l’ensemble de ces 6 phases à plusieurs reprises pendant 10’.

Variables :
– Une étape avancée consistera à réaliser cet exercice avec vos chaussures de vélo. Le but sera de retirer vos pieds de vos chaussures et de les poser dessus avant de descendre de votre vélo.
– La pratique du bike and run en nature s’avère également être un bon exercice technique de T2 du fait des montées/descentes du vélo répétées.

Intérêt pour le triathlon :
Le fait de vous déchausser sur le vélo et d’en descendre tout en continuant à avancer représente un gain de temps non négligeable. De plus, pousser votre vélo pieds nus et bien plus aisé qu’avec vos chaussures pour pédales automatiques.

Transition vélo-course à pied

Séance 2 :
Objectif : Se préparer et s’équiper pour la course à pied le plus vite possible.

Lieu conseillé : Une aire plane et spacieuse (parking, place, terrain de foot, route peu passante).

Matériel nécessaire : casque de vélo – chaussures de running équipées d’un laçage rapide type élastique – chaussettes – ceinture porte-dossard – casquette/visière – gels – un support pour poser votre vélo.

Descriptif : Cet exercice se déroule en 2 temps :

• Dans un premier temps, préparez votre aire de transition comme vous le feriez dans un parc à vélo :
– Dépliez votre petite serviette de bain à plat au sol
– Sur la partie haute de la serviette, placez votre casquette/visière et vos gels
– Sur la partie centrale de votre serviette, positionnez vos chaussures de running que pouvez au préalable « talquer », de façon à les enfiler plus facilement.
– Posez soigneusement vos chaussettes sur ou dans vos running (si vous avez l’habitude d’en mettre en triathlon)
– Sur la partie basse de la serviette, positionnez votre ceinture porte-dossard bien à plat.

• Dans un second temps l’exercice va consister à :
1. Dé-cliper la jugulaire et retirer votre casque
2. Equipez-vous de votre matériel posé sur votre serviette en commençant par la partie basse et en remontant progressivement jusqu’à la partie haute :
3. Clipsez votre ceinture porte-dossard autour de la taille (dossard devant)
4. Enfilez tranquillement vos chaussettes
5. Faites de même avec vos running
6. Enfin tout en vous préparant à partir, enfilez votre casquette sur la tête et vos gels dans les poches de votre tri-fonction.

Répétez cet exercice à plusieurs reprises en prenant bien votre temps (c’est en se précipitant que l’on commet des erreurs et que l’on perd du temps).
Puis une fois l’exercice maîtrisé, exercez-vous à le réaliser de plus en plus rapidement, en vous chronométrant.
Pour vous « challenger » un peu et à titre indicatif, dans cette configuration matérielle (avec chaussettes et ceinture porte-dossard), les athlètes professionnels sur longue distance réalisent cet exercice en +/- 20’’ (de la pose du vélo sur son support jusqu’au départ de l’athlète depuis son emplacement).
Sur le circuit WTS qui se court sur les formats S et M, certains athlètes mettent moins de 10’’ (sans les chaussettes et sans la ceinture porte-dossard) !

Intérêt pour le triathlon :
Trouver et répéter votre propre « routine » de transition vous permettra de gagner un temps considérable à T2 et surtout de ne rien n’oublier avant la partie pédestre.

Proposition d’une séance évolutive à visée physiologique :

Séance : multi-enchaînements vélo  course à pied
Objectif : Préparer votre corps à T2 sur les plans physiologiques, mécaniques et énergétiques.
Durée de la séance : environ 1h30
Lieu conseillé : Sur tapis de course, sur piste d’athlétisme ou en nature avec une boucle de course à pied de quelques hectomètres.
Matériel nécessaire : Home-trainer – Vélo – Chaussures de running
Matériel optionnel : Capteur de cadence de pédalage – montre GPS
Descriptif : Après avoir positionné votre vélo sur votre home-trainer à proximité du tapis de course, de la piste d’athlétisme ou de la portion naturelle choisie, réalisez le bloc de 30’ décomposé comme suit :
– 20’ de vélo
– 10’ de course à pied
En enchaînant directement la course à pied après le vélo (donc en réalisant une vraie transition 2).

Réalisez ce bloc de 30’ à 3 reprises en explorant les thématiques suivantes :

• Bloc N°1 :
– 20’ de vélo à dominante « Force » décomposées comme suit :
o 2’ souple en A1 à cadence libre
o 3x (5’ à cadence très basse (50 à 60rpm) sur gros braquet + 1’ à cadence assez haute (90rpm) sur braquet très souple)  soit 18’ au total
– 10’ de course à pied en alternant 30’’ en A2 (allure modérée) / 30’’ en A3 (allure soutenue en allongeant la foulée).

• Bloc N°2 :
– 20’ de vélo à dominante « Vélocité » décomposées comme suit :
o 2’ souple en A1 à cadence libre
o 3x (6x (1’ cadence haute (100rpm) sur braquet souple + 30’’ cadence très haute (110 à 120rpm) sur braquet très souple + 1’30 cadence libre sur braquet intermédiaire en A2))  soit 18’ au total
– 10’ de course à pied en alternant 45’’ en A4 (allure haute ou VMA) foulée fréquente / 1’15 en A2 (allure modérée) en allongeant la foulée.

• Bloc N°3 :
– 20’ de vélo à dominante « Tempo » décomposées comme suit :
o 2’ souple en A1 à cadence libre
o 3x (4’ en position aéro en A3+ (allure très soutenue, proche de votre PMA) à cadence libre + 2’ souple en A1)  soit 18’ au total
– 10’ de course à pied à l’allure la plus constante possible (A3) et en adoptant votre « foulée optimale » pour cette allure.

Récupération : 5’ passives entre chaque bloc durant lesquels nous vous conseillons de consommer 1 gel. Pensez également à bien vous hydrater à l’aide de votre boisson de l’effort durant et entre les blocs (toutes les 8 à 10’ en période hivernale).

NB : Nous vous conseillons également d’effectuer au préalable un échauffement progressif de 20’ composé de vélo et de course à pied.

Consigne attentionnelle : Pour les 3 sessions de 10’ de course à pied, nous vous conseillons de veiller en permanence à conserver une attitude de course « haute ». Autrement dit, à garder le buste droit (ce dernier risquant d’être attiré vers l’avant après le vélo). Pour ce faire, « fixez du regard et avec vos épaules » un point lointain, qu’il soit réel ou imaginaire.

Variables :
– Dans le cadre d’un entraînement au longues distances (L, XL, XXL) ces 3 blocs peuvent être réalisés à 2 reprises chacun (soit 3h de séance au total). Dans ce cas, les allures peuvent bien entendu être revues sensiblement à la baisse.
– Ce travail peut également être réalisé sans home-trainer que vous soyez au stade ou en milieu naturel. Il vous suffira de remplacer le vélo par des exercices de renforcement musculaire prioritairement axés sur les membres inférieurs (squats, fentes, chaise etc…).
– Le gros plus de cette séance réside enfin dans le fait qu’elle peut être réalisée en indoor (home-trainer/vélo elliptique + tapis de course), ce qui s’avère bien pratique en cas de conditions climatiques défavorables.

La répétition régulière de séances spécifiques « T2 » à différents moments de la saison vous permettra de créer et de stabiliser des adaptations à la fois techniques et physiologiques synonymes de progrès dans ce domaine.L’important pour vous sera de travailler ces points progressivement et de les ajuster en fonction de l’évolution de votre niveau de pratique, de votre matériel (changement de vélo, de chaussures etc…) mais aussi de vos objectifs.
T2 n’a presque plus de secrets pour vous alors… A vous de jouer !

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