Développer la force est aujourd’hui de plus en plus intégré à l’entrainement des triathlètes cherchant la performance. Des sports d’endurance comme le ski nordique ou l’aviron l’ont intégré depuis plus de 30 ans car il a été observé des gains substantiels en matière de consommation d’oxygène (VO2 max.), la sacro-sainte mesure des efforts maximaux. Voyons comment l’appliquer au triathlon.

 

Par Fred Hurlin, www.azurperformance.fr

 

Pour travailler et développer la force, il ne s’agit pas forcément de pousser des barres de musculation. Chacun, à son niveau, peut agrémenter ses entrainements d’exercices stimulant les qualités de force.

Rejoins la force !

Qu’appelle-t-on la force ou la tension musculaire ? Nos fibres musculaires fonctionnent d’une manière très complexe pour s’adapter aux besoins de mouvement du moment. Les tendons, les enveloppes, les capsules articulaires sont tapissés de récepteurs sensoriels permettant de connaitre à chaque instant, la traction, la compression d’une articulation. Cette même articulation étant mue par des muscles.

Pour déplacer le corps dans l’espace, utiliser un outil, ou résister à des contraintes extérieures, nos muscles vont recevoir des ordres moteurs (sous forme d’influx électrique) pour générer de la force.

L’influx nerveux va dicter le niveau de force à créer : nous avons moins besoin de force pour soulever un bidon que pour réaliser une traction, par exemple. Le niveau de force nécessaire pour se propulser à 10km/h n’est pas identique à la force permettant la course à 15km/h.

L’ordre nerveux indique aux muscles qu’ils doivent se contracter à un pourcentage précis de leur capacité, qu’ils doivent activer un autre pourcentage précis des fibres disponibles, pendant un temps tout aussi précis. Il s’agit d’un véritable mode d’emploi pour créer du mouvement : c’est le potentiel d’action. En moyenne, même dans une situation extrême, l’être humain est capable de contracter volontairement 60 à 70% de sa musculature. C’est peu en définitive et, en de très rares exceptions, nous arrivons à booster ce pourcentage au-delà des 80% (situations de survie). Pour les triathlètes soucieux de ne pas prendre de poids ou les femmes qui craignent de masculiniser leur silhouette, ne vous inquiétez pas : l’entrainement de la force passe essentiellement par une meilleure coordination et un mode d’emploi du geste optimisé. Par ailleurs, l’entrainement dans les sports d’endurance en général ne va pas de pair avec la prise de masse musculaire.

Pourquoi développer la force pour le triathlon ?

Comme expliqué précédemment, nous n’utilisons qu’une fraction limitée de nos fibres musculaires lors d’un effort même maximal. Il est peut-être maximal du point de vue cardio-vasculaire mais de fait, ne l’est pas musculairement parlant. Il pourrait être intéressant de venir stimuler quelques morceaux de biscotto supplémentaires : en fait, on ajoute de la puissance à notre moteur.

L’intérêt est double :

  • Soit j’évolue à la même vitesse ou puissance mais j’utilise moins d’énergie, je deviens économe. En triathlon longue distance, c’est une philosophie intéressante.
  • Soit je suis capable de mettre un engagement musculaire supérieur et donc je suis plus rapide.

Cette démarche est pertinente quelque soit le degré d’entrainement et d’autant plus chez les sportifs possédant déjà un historique d’entrainement cardio-vasculaire important. On cherche continuellement à développer un VO2 max. mais est-on en réelle capacité d’améliorer son score continuellement ?

Il apparait qu’à partir de 30 ans, un athlète bien entrainé sera en difficulté pour progresser encore sur le plan cardio-respiratoire. Peu à peu, notre organisme régresse. La pratique régulière d’une activité physique permet de limiter cette baisse de nos capacités d’endurance (parfois, supérieur à 1%/an au-delà de 50 ans) et c’est normalement le cas du triathlète. La sarcopénie (perte de masse musculaire) est aussi une réalité : nous perdons 1% de nos capacités musculaires par an à partir de 30 ans.

Et il se trouve que nos entrainements stimulent de manière très parcellaire nos capacités musculaires.

Donc si nous mettons l’accent sur une progression des qualités de force, il y aura fort à parier que les performances évolueront positivement et seront stables dans le temps même à un âge avancé.

Comment ça se passe en pratique ?

On pourrait se dire : « je vais pousser des barres pour être plus fort ». Or tout le monde n’a pas le temps, les moyens, d’aller en salle, et tous les triathlètes n’ont pas la volonté ou les connaissances pour pousser des haltères. Il convient d’ailleurs de préciser qu’introduire de la musculation développe une plus grande fatigue (dommages musculaires) donc lorsqu’on va réaliser une séance natation, cycliste ou pédestre, nos capacités vont être réduites et notre technique altérée. Il faut en être conscient. Cette fatigue, si elle est maîtrisée, est profitable à moyen terme. Dans le cas contraire, elle peut créer des blessures de fatigue (tendinites) ou fortement dégrader la technique ; dans un sport comme la natation, est-ce vraiment souhaitable ?

En complément, le risque de blessure est plus important lorsqu’on vient chercher des niveaux de tensions musculaires importantes avec des charges additionnelles (barres de musculation et autres haltères) : nous accédons aux limites mécaniques de nos muscles dans les périodes de développement. Dans le cadre de la pratique de la musculation, on peut aussi arguer d’un éloignement certain avec le geste spécifique du crawl, d’une poussée et d’une traction sur une pédale ou de la foulée pédestre. Cela ne donne pas forcément envie de s’attarder à ces « pratiques barbares » et c’est pour cette raison que je vous propose quelques mises en place permettant de stimuler la force musculaire dans votre entrainement spécifique triathlon. Ainsi nous allons limiter les prises de risques vis-à-vis de pathologies de fatigue et essayer de rester dans la réalité de notre triple sport.

Développer sa force dans l’eau

Une marque de pneumatique disait « la puissance n’est rien, sans maîtrise » et la natation est probablement l’activité qui demandera le plus d’attention vers la technique malgré l’engagement physique. Se débattre sans générer d’appuis francs des bras dans l’eau sera inutile.

Être plus fort en natation va vous permettre :

  • De tirer plus d’eau à chaque coup de bras : votre bras conservera ses alignements malgré la « dureté » de l’eau. La transmission de l’effort du bras à l’ensemble du corps sera plus efficace : le corps passera rapidement sur l’appui.
  • De tirer de l’eau durant une longue durée : les alignements du bras dans l’eau resteront stables dans le temps à allure de croisière et votre technique se détériorera plus tard. Souvenez-vous des coudes plus fléchis, des mains sortant de l’eau à la hanche…

Nota : développer la force demande de générer de grandes tensions musculaires donc sur des durées d’effort limitées (15 -20 secondes) entrecoupées de périodes de récupération longues (1’30 – 2’ mais pas forcément à l’arrêt).

 

Exercice #1 :

8 pompes lentes sur sangle

 

8 tirages lents sur sangle

–> 5 à 7 séries, récup : 1’30

Puis nager 25m sprint

On sollicite les 2 grands groupes musculaires de la nage en crawl sur peu de répétitions mais à une difficulté importante.

 

Exercice #2 :

20’’ gainage ventral

 

15’’ de gainage latéral droite puis gauche

–> 5 à 7 séries, récup : 1’30

Puis 25m crawl ou dos 2 bras en amplitude

On recherche l’alignement optimal du corps dans l’eau donc nous stimulons les muscles de la posture. Puis nous cherchons à limiter la déformation de notre corps dans l’eau avec une nage en amplitude (on donne le moins de coups de bras possible par longueur).

 

Développer sa force sur le vélo

Nous entrons dans une discipline où la force fait naturellement partie du vocabulaire cycliste : on pédale en force en opposition à un pédalage en vélocité. La force est une composante de la puissance avec la cadence !

Être plus fort sur le vélo va vous permettre :

  • De maintenir une cadence stable malgré un développement important : on observe généralement qu’on grimpe avec « une dent de moins » lorsque les jambes sont fraiches.
  • Réaliser des relances répétées voire corrosives pour la concurrence pour les quelques chanceux du triathlon olympique.
  • Sur de longues distances, on optimise le rendement, le rapport entre la dépense énergétique et la dépense mécanique : pour voyager loin, ménageons notre monture.

Nota : développer la force demande de générer de grandes tensions musculaires donc sur des durées d’effort limitées (15 -20 secondes) entrecoupées de périodes de récupération longues (1’30 – 2’ mais pas forcément à l’arrêt).

Exercice #1 :

20’’ de chaise

Sprint, départ arrêté sur 12 coups de pédale

–> 5 à 7 séries, récup : 1’30

Les efforts statiques (contraction isométrique) impactent positivement la force et sont peu traumatisants.

 

Exercice #2 :

10 fentes par jambe – Possibilité de se lester avec un pack d’eau.

Sprint, départ arrêté sur 12 coups de pédale

–> à 7 séries, récup : 1’30

L’exercice de fente est intéressant car il reprend un geste proche du pédalage avec une poussée de la jambe avant.

 

Développer sa force en course à pied

S’il y a une discipline où les gains de performance sont largement reconnus, il s’agit de la course à pied. Les contraintes musculaires de la foulée, l’utilisation du pouvoir élastique des muscles méritent qu’on s’y attarde.

Être plus fort à pied va vous permettre :

  • Optimiser la résistance à la fatigue, maintenir une vitesse de course sans générer une dérive importante de la consommation d’oxygène.
  • Utiliser le pouvoir élastique des muscles des membres inférieurs : soit je génère une grande vitesse de course, soit je sollicite moins le pouvoir contractile musculaire au profit de cette énergie gratuite qu’est la composante élastique.

En complément des apports technologiques que sont les semelles carbone et autres mousses restituant l’énergie de la foulée, il est normal de voir les chronos personnels des coureurs à pied voler en éclat régulièrement.

Nota : développer la force demande de générer de grandes tensions musculaires donc sur des durées d’effort limitées (15 -20 secondes) entrecoupées de périodes de récupération longues (1’30 – 2’ mais pas forcément à l’arrêt).

 

Exercice #1 :

20’’ de schuss

Accélération progressive sur 60 à 80m

–> 5 à 7 séries, récup : 1’30

Il s’agit d’une variante de l’exercice de la chaise, probablement plus facile à réaliser sur une piste d’athlétisme.

 

Exercice #2 :

6 sauts en hauteur

Accélération progressive sur 60 à 80m

–> 5 à 7 séries, récup : 1’30

Le squat-jump ou saut en hauteur est l’exercice de base de pliométrie : il s’agit d’enchainer les sauts sans temps d’arrêt.

Comme vous pouvez le remarquer, nul besoin de passer des heures en salle de musculation pour développer sa force ! En mêlant renforcement musculaire et l’un des 3 sports, nous pouvons créer des séances ludiques et efficaces. Maintenant à vous de jouer, le début de préparation hivernale est le moment opportun pour essayer de nouvelles choses !

 

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