Déjà qualifié pour les Jeux de Rio, Vincent Luis a pu planifier sa saison en conséquence, pour être au top de sa forme (de sa vie ?) le 18 août prochain.

Cet hiver, Vincent Luis a troqué sa trifonction pour les pointes de cross. Les labours dans lesquels il a brillé aux régionaux puis aux inters dimanche dernier, où il s’est imposé sans sourciller. « J’adore les cross. Ce sont des courses qui sont dures. Je m’en sers pour préparer l’hiver, et je pense que je continuerai quand j’arrêterai le triathlon ».

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Le triptyque, qu’il pourrait abandonner s’il devenait « champion olympique » en août prochain à Rio, pour se consacrer uniquement à la course à pied. « Je l’avais déjà dit et c’est toujours d’actualité » reprend le triathlète de 26 ans, qui pourrait bien se présenter au départ des France de cross le 6 mars prochain au Mans. « La natation, c’est trop tard. Le vélo, ça pourrait être envisageable de passer pro. Des équipes m’ont contacté, mais quand on a été top mondial en triathlon, porter des bidons pour un leader, ce n’est pas évident…Il n’y a que la course à pied où je pourrais peut-être avoir une sélection et partir sur un gros évènement, je ne suis pas dupe du niveau international dans le demi-fond et du niveau que je pourrais atteindre avec toute la bonne volonté du monde. Mais (je voudrais) essayer de voir autre chose ».

Avant de se projeter sur l’après Rio se profile une saison 2016 particulièrement alléchante. Une saison que Vincent Luis négocie avec placidité, dans la mesure où sa deuxième place au Test Event à Rio en août dernier lui a octroyé d’office sur billet pour l’épreuve olympique le 18 août prochain. Et cela change la donne.

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« Un an pour préparer cette course »

« Quand je me suis qualifié à Londres, on me l’avait annoncé en juin. J’avais 23 ans et c’était très honnêtement une victoire en soi, j’étais très content d’aller aux Jeux. J’avais les yeux grands ouverts, j’ai beaucoup appris mais je n’étais pas dans les meilleures conditions pour performer. Là, depuis le Test Event, je sais que j’ai un an pour préparer cette course. Je ne suis pas du tout pressé de reprendre la saison alors que là j’aurais pratiquement dû partir sur la saison de triathlon. Ça me permet de partir en stage (en Guadeloupe entre les régionaux et les inters de cross), de placer plus de séances. Je suis beaucoup plus serein dans ce que je fais » décrit celui qui s’entraîne en course à pied à Reims, sous la férule de Farouk Madaci, depuis l’après Londres.

C’est ainsi que la date pour disputer les France de cross s’est libérée, lui, qui, début mars, entamait ses dernières années le circuit mondial. Il devrait reprendre à Cape Town le 24 avril, puis enchaîner sur les championnats d’Europe (26-29 mai, doublant sprint et distance olympique), avant « une ou deux autres WTS, probablement Leeds (11-12 juin) et Hambourg (16-17 juillet) » -il restera en tout cas en Europe afin de limiter l’accumulation des « décalages horaires ».

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« J’ai vraiment commencé à encaisser les charges d’entraînement que j’ai augmentées progressivement »

11e à Londres en 2012, Vincent Luis a depuis gravi les échelons pas à pas, jusqu’à rivaliser une saison durant avec les meilleurs triathlètes de la planète, et terminer sur le podium de la série mondial (3e ; 6e en 2014 avec quatre top 10 dont un podium), le seul Français à réaliser pareille prouesse depuis l’instauration du circuit mondial en 2009. « En fait, j’ai vraiment commencé à encaisser les charges d’entraînement que j’ai augmentées progressivement » entame celui enquille 30 à 35 heures d’entraînement par semaine depuis 2012 (soit environ 100-120 km à pied, 25 en natation et 400 en vélo).

« J’ai vraiment pu enchaîner les séances comme je voulais les faire. Je pense surtout que j’ai pris conscience du niveau et du potentiel que j’avais à l’international. Et il y a la régularité : j’ai vraiment réussi à chaque course à sentir mon état de forme, à savoir quand il fallait que je relâche, que j’en remette, ce que j’étais incapable de faire avant. Ce qui m’a permis à chaque fois que je courais de faire pratiquement faire un podium » décrypte le vainqueur de la manche d’Hambourg, qui est aussi monté sur quatre podiums WTS (2e à Abou Dhabi, 3e à Londres, au Cap et Rio, également 4e à Edmonton et 5e à Chicago).

 

« J’ai toujours eu énormément de respect pour mes adversaires, mais je n’ai jamais eu peur de personne »

De fait, ses adversaires le jaugent d’un œil différent. « Je sens que le regard des autres a changé. Je suis plus observé dans le peloton, j’ai un peu moins de tickets de sorties dans le groupe etc…Et je sens quand même que les gars essaient de se débarrasser de moi le plus rapidement possible car ils savent que j’ai tendance à finir assez fort mes courses. J’ai toujours eu énormément de respect pour mes adversaires, mais je n’ai jamais eu peur de personne » glisse t-il sans forfanterie.

« Je pense que c’est un souci que l’on a eu en France : on a longtemps cru que les frères Brownlee ou Gomez étaient au-dessus de nous alors qu’il n’y a personne qui est plus fort qu’un autre, il faut juste s’entraîner et y croire. Et j’y ai toujours cru. C’était juste une question de temps et il n’y avait pas de raison que je sois moins fort qu’un autre » poursuit le champion de France 2013 (2e en 2015), qui estime se rapprocher des 28’30’’ qu’il est nécessaire de valoir sur 10 km pour prétendre au titre olympique.

« Les séances que je fais me laissent penser que je tourne autour des 29’, à plus ou moins 15 secondes » relève Vincent Luis, qui ne prendra pas pour autant part à un gros 5 000 m ou 10 000 m / 10 km pour se tester durant sa préparation estivale (son record à sec, pas significatif de son vrai niveau est ainsi de 30’11’’, à Houilles en 2010). « Je ne marche pas trop comme ça. Je sais que je suis capable de faire chaque séance, aussi dure soit-elle, et chaque séance me rassure un peu plus. On avance, on a notre rythme de conduite, on sait ce que valent les séances sur le papier, mais préparer un 5000 ou un 10 000 -on en a déjà un peu parlé avec Farouk-, ça imposerait des jours de repos, un affûtage. Si j’y vais pour faire un gros chrono dit repos, et qui dit repos dit des entraînements de perdu pour les Jeux » reprend celui qui trouve une émulation manifeste au sein de son groupe d’entraînement à pied, sans que ce ne soit pour autant la course à chaque entraînement. Un rythme qui lui sied parfaitement.

« Il m’arrive de me faire doubler par les cyclos du dimanche et ça ne me dérange pas »

« Je suis partisan de dire que tout ce qui est facile doit être facile. A chaque jour suffit sa peine. Farouk m’a influencé là-dessus car c’était un truc que je n’avais pas l’habitude de faire. Comme je m’entraînais moins, tout ce qui pouvait être fait vite, je le faisais vite. Alors qu’au final ce n’est pas ça. Après, j’ai beaucoup plus de séances avec Farouk, donc c’est compliqué de ne pas être bien sur une séance après avoir fait une heure à 15 la veille, alors qu’il avait dit que c’était footing tranquille. Oui, c’est pareil en vélo. Il m’arrive de me faire doubler par les cyclos du dimanche et ça ne me dérange pas » sourit-il.

« C’est aussi la raison pour laquelle je ne m’entraîne pas, voire pas du tout, avec des triathlètes de haut niveau. C‘est une course perpétuelle et sur trente heures d’entraînement par semaine, il y a forcément une heure où il y en a un qui sera meilleur qu’un autre et qui voudra le montrer. Et je ne suis pas dans cette optique là. Après, c’est une façon de penser, chacun à la sienne » indique le natif de Vesoul, qui doit progresser sur « les changements de rythme. C’est pour ça que je m’entraîne beaucoup en nature et que je fais beaucoup de fartleks. Plus que sur la piste avec des références données. C’est aussi pour çà que je fais les cross. En triathlon, ça part très vite, il y a beaucoup de changements d’allures, et ça finit souvent au sprint. C’est surtout çà qu’on bosse avec Farouk ».

Et que Vincent Luis va bosser encore près de sept mois…

 

Par Quentin Guillon – Photos Basile Regoli et ITU

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