Blessé en mars dernier au tibia, Jérémy Jurkiewicz s’est lancé dans une incroyable course contre la montre pour retrouver la plénitude de ses moyens à temps et essayer d’aller chercher in-extremis sa qualification pour Hawaii. Las, malgré sa superbe victoire sur le 70.3 du Brésil le 25 août dernier et ses 4 370 points au KPR, le Stéphanois ne sera pas du voyage pour Kona. Mais plutôt que de s’apitoyer sur son sort, Jérémy s’est déjà tourné sur la saison 2014. Son objectif ? Prendre le maximum de points dès cet hiver. Entretien.

Jérémy, tu as remporté dimanche l’Half de Vichy une semaine après ta victoire sur le 70.3 du Brésil. La forme semble revenir ?
A Vichy, ce n’était que l’Half et on sait que le gros du niveau était sur la distance Ironman. Il y avait un peu moins de gros cadors sur l’Half. J’avais surtout quelques craintes par rapport à mon état de forme et mon retour du Brésil dans la semaine avec beaucoup de soucis et peu de nuits de sommeil. Avant la course, mes mollets étaient déjà dans le dur. A la sortie de l’eau, c’était un peu pareil. En vélo, j’ai eu un peu de mal à me mettre dedans mais petit à petit j’ai réussi à prendre une allure à peu près correcte. Je n’avais aucune info sur les écarts. Je n’ai su que j’avais quatre minutes d’avance qu’au bout de trois kilomètres à pied, sans savoir si c’étaient des coureurs derrière. Mais je courrais déjà à peu près à 15,5 km/h donc je me suis dit que si j’arrivais à maintenir cette allure, il faudrait vraiment qu’ils courent plus vite derrière pour me reprendre du temps. J’ai bien géré au niveau de l’alimentation jusqu’au bout pour éviter un coup de mou.
Après plusieurs mois sans compétitions, tu dois être heureux de pouvoir de nouveau prendre le départ d’une course ?
A Vichy, j’ai fait la course jusqu’au bout avec ce plaisir de courir. J’avais mal aux jambes musculairement mais ça fait tellement plaisir d’avoir à nouveau mal. J’ai eu plus d’émotion que la semaine dernière au Brésil car là j’ai vraiment eu l’impression que je n’allais pas me faire mal. C’est génial de se dire que les galères sont finies maintenant et qu’on va pouvoir de nouveau s’entraîner tout en étant toujours prudent (Ndlr : Jérémy voit un kiné deux fois par semaine). Je vais reprendre tranquillement, sans brûler les étapes, et essayer de retrouver un objectif pour essayer de faire une bonne fin de saison et ainsi rattraper un peu le milieu de la saison où il y a eu zéro course.
Tu as été blessé pendant une bonne partie de la saison (Ndlr : environ quatre mois). Comme vit-on cette période ?
Ça faisait quatre ans que je n’avais pas eu de grosses blessures, à la différence qu’à cette époque-là on me connaissait un peu moins. Ce n’est pas que ça passait inaperçu, mais il n’y a pas ces gens qui nous attendent et qui se demandent où on est. Là , c’était compliqué, d’autant que j’envisageais d’aller à Hawaii. L’année dernière j’avais fait un bon résultat pour moi (14e). J’avais un objectif en début de saison que j’ai réussi, en faisant 8e à l’IM de Melbourne. Après, la blessure est arrivée derrière. Le premier mois, ç’a été facile car il fallait récupérer mais c’est après que ça a été compliqué. On pense qu’au bout de trois mois ça va être bon mais au final non, donc on patiente. Au bout d’un moment, on se demande si un jour on va pouvoir recourir… Finalement, il faut tenir le choc et patienter en regardant devant.
Comment as-tu digéré cette non-qualification pour Hawaii malgré ta victoire sur le 70.3 du Brésil fin août ?
Je m’étais dit qu’en faisant au moins un top 5 au Brésil, ça faisait plus de 400 points ce qui me faisait arriver à 4 000 au total. Pour moi, c’était bon. Là , je gagne la course, je prends 750 points, donc pour moi j’étais qualifié. Le souci, c’est qu’il y en a pas mal qui étaient derrière moi au classement, qui ont fait des courses en août et qui sont donc remontés devant. Forcément, je suis un peu déçu de ne pas être qualifié car c’est Hawaii mais avec la saison que j’ai eue, je ne pouvais pas faire mieux. Je ne pouvais pas aller sur une course en juin alors que j’étais blessé. J’ai quasiment refusé ma sélection en équipe de France car je ne pouvais pas courir. Je voulais reprendre la course à pied quand j’étais à 100% sur de mes tibias, donc je n’ai pas de regrets. Je suis allé au Brésil et j’ai tenté le coup. Je ne pouvais pas faire mieux. On va essayer d’y être maintenant en 2014.
Tu es donc déjà tourné vers Hawaii 2014 ?
L’objectif va être d’essayer de marquer des points déjà pour l’année prochaine et ne pas avoir à courir très tôt dans la saison et prendre ainsi le risque que ça se reproduise comme cette année. Il faut se servir de cette blessure pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Là , ça serait bien de finir la saison un peu plus tard. J’ai plus l’ambition, comme il y a deux ans, de prendre des points en fin d’année puis partir sur un ou deux Half en début d’année et faire ensuite un Ironman en juin ou juillet pour valider la qualification fin juillet. Il ne faut pas prendre le risque d’aller la chercher fin août.
L’an dernier, il y avait quatre français professionnels (Jurkiewicz, Guillaume, Viennot et Delsaut) à Hawaii. Cette saison, Cyril Viennot est le seul qualifié. Cette course aux points durant la saison est-elle particulièrement éprouvante pour un triathlète ?
Elle est compliquée oui car on n’a pas le droit à l’erreur. L’année dernière, quand je vais à Francfort, si je ne finissais pas ma course, je n’avais pas ma qualif malgré ma victoire au Pays de Galles et ma 7e place en Arizona avant. Un abandon est tellement vite arrivé (crevaison, chute…). C’est vraiment une pression sur chaque course sinon on ne va pas à Hawaii. Et puis quand on est sur le circuit Ironman, on est en solo. Il n’y a pas d’aides de la fédération. Il faudrait qu’on arrive à avoir une reconnaissance quand on est sur ce circuit au niveau fédéral et des institutions. Il y a des fois, au moment de ma blessure, je me suis senti seul. Quand on est footballeur ou tennismen, on n’a pas ce souci-là . Il y a tout un staff autour de toi pour te suivre pendant ta blessure. Pour être performant, il faut être bien dans sa tête. Je l’ai vu en début d’année quand le team Abuh Dhabi s’est arrêté. Quand on doit passer son temps à envoyer des mails pour trouver des partenaires pour pouvoir courir, ça crée stress qui amène plein de petits problèmes qui peuvent entraîner des blessures. Et puis sur ces distances-là , si on arrive déjà un peu émoussé dans la tête on n’y arrive pas. Etre bien dans sa tête ne peut qu’aider à la performance.

Recueilli par Basile Regoli – Photos Thierry Sourbier

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