« Il y a 8 mois je remplissais un formulaire online, donnais une suite de chiffres inscrits en relief sur ma carte de crédit et annonçais fièrement qu’en temps que « roi des imbéciles » j’avais encore élevé mon niveau en décidant de m’aligner au départ d’une course de titans. Les enfants m’ont regardé et m’ont dit « avec ton plâtre ?!? », mon frère m’a dit « t’es un grand malade », ma mère m’a dit « mais quand vas-tu t’arrêter ? »; mon Pascal de Président de club m’a dit « t’es certain ? Alors bienvenu dans l’aventure », mes potes m’ont demandé « mais pourquoi ? A quoi ça sert ? » et ma femme m’a dit « bon on va s’organiser mais on partira quand même en vacances ».

Aujourd’hui, à 2 mois de la course, les doutes ne cessent de me harceler le matin, la journée et surtout le soir. Faudrait que je cesse de surfer sur les blogs, les Youtube, les forums, les commentaires Facebook… mais, après tout, les histoires de finishers rassurent et exacerbent une motivation déjà à son paroxysme. Certes j’ai peur de ne pas finir, de souffrir comme jamais, d’être déçu de mon résultat ou tout simplement de ne pas être à la hauteur mais je sais que je serai sur la Plage du Centenaire, pieds nus sur ces galets inconfortables au moment prévu. L’angoisse et le stress font vaciller mon moral mais jamais n’altèrent ma volonté. Abandonner n’a jamais été une option et je n’y songe même pas alors que ce serait tellement simple.

TSF

Avec un coup d’œil dans le rétroviseur, je réalise que j’ai placé la barre vraiment très haut, plus haute que jamais dans ma vie. Gérer simultanément une préparation Ironman, la vie de famille d’un mari et d’un papa de 3 kids, les voyages, le business, les soirées chez les potes…. et encore d’autres trucs persos. Je vais m’en sortir, c’est maintenant certain mais il risque d’y avoir de la casse, reste à la limiter. Après tout, on a tous nos propres contraintes et pourtant je n’entends jamais personne se plaindre à ce sujet. Les jours passent, les heures de préparation s’accumulent et le compte à rebours fait tic-tac tic-tac, alors on y va, jour après jour. Le groupe est fort, il s’auto-alimente en moments forts. On s’organise une soirée au cinéma, un resto pour dire au revoir à un ancien qui quitte la région, le nombre permet de toujours avoir quelqu’un pour rouler ou courir quelque soit l’horaire ou le lieu, même au fin fond de la Bretagne !

Le mois d’avril a été un sacré mois au niveau de l’entraînement. En plus des heures habituelles de nage, pédalage et course s’est ajouté le stage mensuel. Ce coup-ci, notre « coach » ne nous a pas loupés ! 19 km de course le samedi matin, une sortie vélo de 145 km l’après-midi avec 1200m de D+ (Nice oblige) puis on renquille le dimanche avec 96 km de « récupérafond » enchainés avec 12km à allure IM mais qui se sont courus à allure semi-marathon !
Un nouveau coup d’œil dans le rétro et je réalise aussi les progrès énormes acquis depuis 4 mois. On a tous progressé comme jamais, et je me rends compte que ce groupe est devenu une machine de guerre. Comme prévu, les briscards sont présents et leur niveau est d’ores et déjà énorme. En les regardant, on se demande comment ils font pour aligner de telles performances ; 20h par semaine, des ultra trails de 80km, en tête de peloton en permanence face au vent et toujours le sourire, la petite blague qui fait passer la bosse qui pique les jambes, ou le mot réconfortant quand les blessures pointent le bout de leur nez. Le niveau monte, c’est certain et on devient témoin ébahi de la progression de certains de nos athlètes qui sont devenus des « monstres de performance ». On a un peu de mal à s’en rendre compte car on passe beaucoup de temps ensemble, mais dès qu’on retrouve d’anciens partenaires de pistes ou quand on croise des pelotons le dimanche…d’un seul coup ce n’est plus la même chose.

Pour ceux qui souhaitent concrétiser ce que représente un « bon mois » d’entraînement, voici quelques chiffres de ce mois d’Avril :
•    59 heures
•    948 km
•    30 « activités »
•    14055 calories brulées
Il ne s’agit là que données personnelles qui ne représentent pas l’ensemble de notre groupe car je suis dans la moyenne basse, mais cela permet de se rendre compte de l’investissement minimum pour espérer arriver au bout d’un IM tel que Nice.

Je me complais dans mon rôle de narrateur éphémère du « journal privé du TSF » que nous rendons public grâce à Trimag, et je prends un grand plaisir à discuter un peu avec tout le monde pour recueillir des petites phrases, les humeurs, les envies etc. « les yeux dans les bleus » version triple effort racontant l’épopée folle d’une bande de mecs qui refusent de croire qu’ils ne peuvent pas devenir des surhommes, au moins le temps d’une journée. De ces confidences, j’apprendrai que l’un pense à tout lâcher tant l’investissement personnel est fastidieux mais que l’esprit groupe lui donne la force de tenir, d’autres m’avoueront avoir passé sous silence dans leur univers professionnel leur entraînement de peur d’être mis sur la touche par des collègues et des patrons qui voient dans cette charge de travail sportif une atteinte à la productivité, un autre partagera avec moi son appréhension à arriver au bout car chacune des 3 distances sera une première et ainsi de suite. Des témoignages anonymes qui mettent en exergue combien cet objectif est ambitieux et dur à atteindre pour des quidams ayant une vie classique composée de boulot, famille, amis qu’on délaisse un peu au quotidien pour trouver ce temps si précieux, trésor indispensable converti de suite en « foncier » pour caresser l’espoir d’un simple titre de Finisher.

Ce mois d’Avril verra aussi la motivation monter d’un cran lorsque nos familles qui nous supportent depuis janvier décideront de s’organiser en formant leur groupe de supporters sur la Promenade des Anglais. Afin de tuer le temps et de profiter de l’ambiance, les enfants qui le souhaitaient ont commandé leur dossards de l’Ironkids alors quelques mamans courront l’IronGirl. Nous partions grâce à nos femmes et enfants et nous voilà aujourd’hui prêts à nous surpasser pour eux et devant eux. Autant dire que cela change un peu la donne…et la pression. »

Fabrice Emmonnet

Les épisodes précédents :

Episode 6

Episode 5

Episode 4

Episode 3

Episode 2

Episode 1

 

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