L’Allemand Boris Stein et l’Américaine Cait Snow ont remporté une onzième édition de l’Ironman France marquée par une chaleur de plomb et un formidable suspense. Romain Guillaume et Linda Guinoiseau sont, de leur côté, montés sur la troisième marche du podium. Récit.  

L’espace d’un instant, on a cru à un improbable doublé français, ce qui aurait été inédit dans l’histoire de l’Ironman France (chez les hommes, le dernier succès tricolore remonte à 2005 avec Hervé Faure ; 2007 avec Alexandra Louison chez les femmes). Car à l’issue d’un parcours vélo dantesque, Romain Guillaume, qui s’entraîne sur Nice depuis maintenant deux ans, avait crée un écart monstre à l’amorce de l’ultime marathon : 8’30 d’avance sur l’Allemand Boris Stein, 9’15 sur Bertrand Billard, 10’30 sur Drew Scott, alors que Sylvain Sudrie (à 13’), et Victor Del Corral (à 13’30) complétaient le top 6. Côté féminin, c’est Jeanne Collonge qui menait les débats, 5’25 devant l’Américaine Cait Snow, et la transfuge du cyclisme Emma Cooley– elle fut championne du Monde du contre le montre en 2010 et vient de franchir le pas sur le triathlon -, à 9’. « Un doublé ?! Pour moi, ça va être dur (si ça arrive) » éclatait de rire Yves Cordier, directeur de l’Ironman France, et qui coache le couple niçois Romain Guillaume – Jeanne Collonge. Seulement, Cait Snow avait réalisé l’an passé le record en course à pied (2h52’56)… Et c’est d’ailleurs dès les premières kilomètres que celle qui avait terminé deuxième de l’édition 2014 a refait son retard, dépassant au bout de 10 km de course une Jeanne Collonge (2e en 2013 et 9e l’an passé) au courage et en souffrance et qui finira par abandonner. Côté masculin, « les deux plus dangereux, ce sont Stein et Del Corral » pointait stylo à l’appui sur son carnet Yves Cordier, alors que les hommes venaient de s’élancer sur le marathon.

La nouvelle remontée de Boris Stein

Bien vu le coach. L’Allemand, déjà auteur d’une spectaculaire remontée lors du 70.3 Aix, réduisit d’emblée l’écart avec Romain Guillaume, partit sur un rythme régulier (autour de 4’10’’, excepté le premier kilo effectué en 3’50’’). Alors que de son côté, Victor Del Corral, relégué comme attendu à plus de huit minutes sur la partie natatoire (un groupe de six était sorti en tête des 3,8 km de natation, emmené par Sylvain Sudrie, suivi de Bertrand Billard, Drew Scott, Jérémy Jurkiewicz, Anthony Pannier et Romain Guillaume), aligna deux premiers tours (le marathon comportait quatre boucles de 10,5 km au total) canons, pour abaisser son débours de moitié à la mi-parcours (3e à 4’45’’ de Romain Guillaume).  Del Corral avait déjà réalisé une très grosse partie vélo (3e temps), fort de sa plaque maousse (56), notamment aux alentours du 90e km, seul dans son effort, en symbiose avec sa machine, dans les recoins d’un arrière-pays niçois qui confinait parfois à un paysage lunaire, à 1 100 m d’altitude. L’Espagnol y a cru.

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Sauf que Boris Stein, 20e à Hawaï l’an dernier, s’y connaît en manière de retour. La veille, il avait dit « qu’il avait appris de ses erreurs ». « J’ai essayé de rester fort après la natation. J’ai attaqué sur le vélo, où le parcours était difficile. Il n’y avait pas de tactique. Il fallait juste aller vite ! Quand j’ai su que j’étais deuxième au début du marathon, à 8’ de Romain, je savais que je pouvais courir vite ». Lancé sur un gros rythme, il distança Romain Guillaume peu avant le 30e, dans le sillage de kilo alignés à plus de 15 à l’heure, alors que le cagnard se faisait insupportable et que le macadam, foulée par des triathlètes de plus en plus nombreux, fondait sous la chaleur étouffante. A 10 km de l’arrivée, Stein possédait donc 2’ d’avance sur Del Corral, qui venait juste de rattraper Guillaume (3e à 2’38’’). Dans l’ultime boucle, Boris Stein ne faiblit pas, bien au contraire. Dans une ambiance exaltée par le speaker, l’Allemand s’imposa finalement en 8h27’32’’, dans la foulée d’un marathon signé en 2h44’20’’, un sacré chrono compte tenu des conditions climatiques. La veille lors de la conférence de presse, il avait clairement annoncé ses intentions de victoire, au contraire des autres triathlètes, plus prudents (discrets, plutôt) quant à leurs ambitions.

Romain Guillaume : « J’ai vraiment tout donné mais ils sont tout simplement plus forts »

Deuxième en 2014, Del Corral réédite sa performance (en 8h30’30’’) lui qui n’avait initialement pas prévu Nice à son programme, après un début de saison chaotique. Il réalise au passage le meilleur temps sur marathon (2h42’04’’, le deuxième meilleur de l’histoire). En 8h34’44’’, Romain Guillaume glane lui son premier podium pour sa troisième participation à Nice (2008, 2010), après avoir impressionné par son implacable mainmise sur la partie vélo, lui le local, qui confiait samedi en conférence de presse « avoir appris à aimer le parcours », comme s’il en avait disséqué tous les virages. Le Niçois a bouclé les 180 km en 4h39’01’’ (38,71 de moyenne), meilleur chrono final. Sûr de lui, impressionnant et déterminé, à l’instar de ces franches relances en danseuse avant d’envoyer les watts dans le sillage d’une très efficace position aéro. « Il démontre pour la 4e fois des qualités très intéressantes sur Ironman (en 2014,vainqueur à Lanzarote, 4e en Australie à Busselton et 10e à Hawaï)» souligne Yves Cordier.

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Une première pour Sylvain Sudrie

« J’y ai cru. J’ai fait 15km où ça allait. Après, j’ai quand même eu le contrecoup du vélo et j’ai senti la chaleur. Je ne fais pas une mauvaise course à pied, je cours en 2h59’ (3h00’01’’ exactement, ndlr), comme l’an dernier où j’avais fait 2h57’ et deux fois 2h59’ (sur ses trois Ironman, ndlr). Je ne suis pas trop déçu dans le sens où j’ai fait tout ce que je pouvais. J’ai vraiment tout donné mais ils sont tout simplement plus forts» souligne, affable et lucide, celui qui fut très encouragé. « Le public ? C’était super. Ça me fout les larmes aux yeux » glisse dans un grand sourire le Niçois, qui lorgne désormais Hawaï (il était déjà qualifié avant la course). Il convient de préciser que ce podium est le plus relevé de l’histoire de l’épreuve (en 2013, l’Espagnol Clemente Alonso avait pris la 3e place en 8h35’52’’). Belle sixième place de Sylvain Sudrie (5e Pro), en 8h48’02’’, le champion du Monde 2010 longue distance  terminant là son premier Ironman, après avoir intelligemment géré la partie vélo pour pouvoir boucler son first marathon (3h00’30’’). Suit ensuite Jérémy Jurkiewicz, 7e (6e Pro) en 8h57’19’’. « Ça été difficile. J’ai vraiment souffert sur le marathon» explique le 4e de l’édition 2014, déçu et qui déplorait l’absence de glace et d’épongeage sur le marathon, sans toutefois édulcorer son « erreur tactique d’être sans doute parti trop vite en vélo.Je n’ai jamais fini un Ironman comme ça, j’ai envie de vomir et je n’arrive pas à manger. Je vais prendre le temps de me reconstruire. J’ai toujours envie de faire de grosses grosses perfs. Je ne lâche pas. Comme je n’ai pas lâché ce marathon là qui a été très dur» indique, les yeux humides, celui qui pour la première fois avait enchaîné deux Ironman en six semaines (6e au Texas). Comme annoncé, Bertrand Billard, pas encore totalement remis d’une blessure contractée en avril dernier, a figuré aux avant-postes, avant de renoncer au 12e kilomètre.

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Snow résiste au retour de Roberts

Chez les femmes, l’Américaine Cait Snow a donc réédité sa remontée de l’an passé  (2h52’26’’ sur marathon, record de l’histoire), succédant au palmarès à la Belge Tine Deckers, pour s’imposer pour la première fois à Nice en 9h24’50’’. Battue pour quelques secondes en 2014, la tendance s’est inversée pour Cait Snow, victorieuse avec un tout petit peu plus d’une minute d’avance. « Il y a beaucoup d’émotion. Je suis aussi très contente et épuisée » souffle l’Américaine, harassée par la fatigue et qui a trouvé à qui parler avec sa compatriote Lisa Roberts, auteure elle aussi d’une folle remontée et d’un marathon bouclé en 2h54’45’’ ! 4e en 2013, 3e en 2014, l’Américaine grimpe donc d’une marche supplémentaire (9h26’50’’), comme elle s’en amusait à l’issue de la course, tout sourire. « Peut-être que je reviendrais avec la victoire l’année prochaine ! J’ai vraiment essayé d’attaquer dans les dix derniers kilomètres. J’étais proche mais j’ai essayé ». Troisième place bleu blanc rouge également chez les femmes, avec Linda Guinoseau, qui a su résister à Emma Pooley (9h43’09’’ contre 9h43’48’’), la Britannique ayant logiquement réalisé le meilleur chrono en vélo, sans toutefois écraser la concurrence.

 Quentin Guillon

LA GALERIE PHOTOS ICI

Les résultats : http://www.ironman.com/fr-fr/triathlon/coverage/athlete-tracker.aspx?race=france&y=2015#axzz3eHufSSCW

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