L’organisation pour préparer un IronMan pour 25 athlètes s’est mise en place assez vite vu de ma fenêtre. Je me demande encore si l’expérience nécessaire à la gestion de notre troupe est sportive ou professionnelle, elle est en tout cas bluffante. Une mailing liste est créée en premier lieu afin de communiquer entre nous sans remplir les boîtes mails des autres adhérents. Jusque là , fastoche, il suffit d’envoyer un petit bonjour à tous les inscrits dans un même email et la liste existe ! C’est ensuite que la logistique mise en place commence à m’épater. Un tableau récapitulatif est partagé et regroupe les logements réservés, les répartitions par chambre, qui se déplacera en famille ou seul, les véhicules….Là , je dis : balaises les gars!

Ne manque plus que le mail qu’on attend tous. Selon Pascal, le Dirlo de cette colo, le contenu est prêt et nous devrions bientôt recevoir le courrier sur nos ordis. Alors nous attendons. Chaque sonnerie de messagerie nous fait sursauter. Le stress se mêle à l’impatience comme à l’époque du collège où j’attendais la note du contrôle de Maths que j’espérais avoir réussi. Finalement le planning arrive sous forme d’un mode d’emploi lapidaire, d’un explicatif du comment le plan a été réalisé , d’une petite phrase d’encouragement et d’un fichier Excel nommé simplement Plan Entrainement Nice.xls .

Cela peut sembler étrange de se mettre dans un tel état pour un simple fichier Excel mais mettez-vous quelques instants à ma place où à celle de Jérôme ou Maxime. On se doute bien qu’on a mis le doigt dans une histoire de fous mais sans vraiment de vécu de triathlète et sachant que nos seules connaissances sur l’Ironman se limitent à Youtube et aux histoires des vieux loups du club, il est légitime d’angoisser sur les charges de travail qui nous attendent pour les 8 mois à venir. Le message précise que pour s’adapter à tous les niveaux, les exercices sont en temps et non en distances. Cool, s’il y’a plusieurs niveaux, je prends la version débutant, voire très facile les jours de grande motivation ! Me voici rassuré.

J’ouvre le fichier et tout d’un coup je déchante. Le premier des 7 onglets me hurle à la figure qu’il ne reste plus que 32 semaines ou un peu moins de 230 jours avant ma baignade de 6h00 du matin dans la Méditerranée ! Ensuite, la définition des différents termes utilisés dans ce fichier et des différentes intensités d’effort allant de I1 à I7 ne sont pas là pour me réconforter. Vient le 3ième onglet, celui qui explose quand vous l’ouvrez. Un calendrier des 33 prochaines semaines de notre vie avec ses thèmes et ses charges de travail. On y trouve de la reprise bien sûr (4 semaines), du foncier évidement (9 semaines), de la VMA naturellement (5 semaines) mais aussi du foncier long et du spécifique. En terme d’effort, 30% du temps sera consacré à la récupération, 65% au bourinage (ce mot là me fait peur !) et les 5% qui restent seront encore pire car on sera en stage. Un stage durant lequel nous n’aurons même pas une réunion de travail pour se reposer, un ciné avec les gosses pour dormir, un restau avec Madame pour penser à autre chose que le triathlon. 5 jours à Grasse réservés pour nager, courir, pédaler puis recommencer encore et encore !

Punaise, le jour où les enfants vont entamer leur calendrier de l’avent, moi j’aurai mon calendrier du TSF, sauf que quand mes loustics découvriront un chocolat derrière la case du jour, moi je ferai apparaitre ma séance de torture quotidienne. Les autres onglets nous offrent un rappel des éducatifs athlétiques, un plan home trainer pour les soirées d’hiver, un kit muscu de survie Au secours, j’ai loupé ma séance de natation ! et le mantra avec les dictons de Maître Yoda.

F…k, dans quelle galère j’ai encore été me mettre ce coup-ci ? J’en ai signé des défis débiles, des challenges de fous, des aventures stupides mais ce coup-ci je crois que je me suis surpassé. Je commence à me demander sérieusement ce que je fais là et à douter de l’issue de cette histoire. Comment je vais trouver le temps de m’entraîner autant, est-ce que ma famille va supporter mes trainings quotidiens, est-ce que je vais avoir les jambes pour franchir le Col de l’Ecre, comment je vais finir les 3,8km de natation sans être hors délai,…?

Les questions arrivent par dizaines et pour évacuer ce stress, je cours. Je cours seul, je cours avec le club, je cours avec ma femme et les kilomètres s’accumulent. Et puis, pour exorciser mon appréhension, je questionne tous ceux que je croise pourquoi ils se sont inscrits sur Nice et comment ils vont gérer. J’ai du faire le tour des membres afin de me rassurer et j’ai mes réponses. Les finishers se sont inscrits car c’est une aventure humaine incroyable que ces 8 mois qui nous attendent et ils voulaient à tout prix revivre cette aventure entre potes. L’ambiance, la cohésion, l’entraide apportent une euphorie qui reste même après la fin de la compétition. Quant aux rookies, nous avons tous le même discours. On avait au fond de nous ce rêve de taquiner le XL un jour mais on l’avait jamais dit à voix haute par timidité. Et puis cette année, un premier rookie à décidé d’y aller et les autres y ont crus à leur tour. L’effet boule de neige a fait que nous serons au moins 5 à perdre notre pucelage dans la méditerranée.

Après mon enquête minutieuse je connais dorénavant les ingrédients de la recette pour arriver au bout :
• Une famille et surtout une femme extraordinaire 

• des nuits courtes

• une organisation militaire

• un rythme de vie saint

• ne pas oublier de se faire plaisir

• entre 300 et 500 heures d’entrainement de décembre à juin.

En cette fin novembre, l’ambiance n’est pas totalement consacrée au 29 juin 2014. Les coureurs à pied ont leurs objectifs et consacrent majoritairement leurs entrainements aux 5, 10km semi, marathons, trails et ultra trails qui occupent nos dimanches en attendant les premiers Run& Bike où tout le monde se retrouvera en équipe. Malgré un focus encore léger, on sent que les finishers ont pris les rookies sous leurs ailes pour dédramatiser la situation, soulager les angoisses et répondre aux interrogations.
Je me rends compte, qu’à ma grande surprise, au moins dans mon club, le triathlon est un sport d’équipe et que c’est grâce à cet esprit que je vais avoir la force d’aller à chaque séance semaine après semaine. J’aime ces instants volés à l’effort lors d’un échauffement, d’une sortie longue, d’une discussion dans un vestiaire, d’un ralentissement du peloton où les conversations repartent ou les blagues fusent pour resserrer un groupe qui se soude de plus en plus. Chacun raconte ses trucs, anecdotes tirés de ses expériences pour rassurer les autres (et aussi un peu soi-même). J’ai même eu vent d’une histoire incroyable où Eddy à entamé la CAP d’un half sans chaussure puis il a réussi à acheter une paire de running sur le parcours pour finir dans les temps. C’est promis, j’enquête et je vous raconte cette histoire le mois prochain !

Fabrice Emonnet

Premier Episode ICI

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