Avant les championnats d’Europe de cross ce dimanche pour lesquels elle sera en lice chez les juniors, Cassandre Beaugrand (7e l’an dernier et argentée par équipes), raconte pourquoi sa saison 2015 fut particulièrement difficile.

 

Comment allez-vous à quelques jours des championnats d’Europe ?

Ça va. Je reviens de tellement loin que ça ne peut qu’aller mieux. C’était vraiment dur avec mon père et tout (son père était son coach jusqu’en octobre). Il n’y avait plus rien qui allait. Je n’étais vraiment pas bien du tout. Du coup, ça va, je pète la forme.

 

Quel était le problème : c’était athlé et triathlon à 100 %, même à la maison ?

Oui c’est çà. J’avais l’impression que chez moi, j’avais plus mon entraîneur que mon père. Çà s’et amplifié avec le fait que j’ai eu 18 ans, avec le BAC etc…

 

Vous avez donc décidé de partir au pôle de triathlon à Montpellier depuis la rentrée.

Je me demandais déjà ce que je voulais faire après le BAC –en fait je me le demande depuis avril, avant le BAC donc. Je n’avais aucune idée. Mais je savais que ça ne pouvait plus trop continuer comme çà car c’est vraiment tendu avec mon père.

Ça s’est confirmé ensuite au fil de la saison. Le pôle de triathlon à Montpellier m’attirait assez avec l’ambiance des filles (Audrey Merle, Emilie Morier, Sandra Dodet). Ça m’a donné envie d’y aller, prendre mon indépendance et faire ma vie à moi. Là, on s’entend super bien. On se motive, on s’entraide. Ça nous pousse vers le haut. Ça fait une dynamique, c’est vraiment bien.

Je me suis décidée fin octobre et je suis partie début novembre. J’ai eu du mal à prendre cette décision, mais une fois que je l’ai prise, çà s’est fait vite. J’ai pris mon appartement, j’ai vraiment tout changé : j’habitais avec mon père à Antibes, là j’ai carrément fait un grand pas. C’est un peu dur de changer comme çà. Je vis maintenant toute seule, c’est compliqué, il y a toutes les choses à faire etc… Avec mon père ? Nos relations sont encore super compliquées.

 

Comment avez-vous vécu tout çà ?

J’étais très fatiguée nerveusement. J’étais épuisée. Et je devais en plus m’organiser pour déménager. Je suis partie toute seule, je suis allée dans un endroit que je ne connaissais pas. J’ai été très bien accueillie, mais l’installation n’a pas du tout été évidente. J’ai eu du mal à prendre mes marques.

Ce qui est dur, c’est que je suis partie en novembre et je n’avais pas commencé les cours. Les coaches (Stephanie Deanaz et Pascal Choisel) ont essayé de me faire rentrer dans une école de psychologie mais c’est un peu compliqué. Je vais voir pour le second semestre, car je déteste ne rien faire. Je veux vraiment garder le pied dans les études.

 

Vous aviez perdu le plaisir en compétition ?

Je ne sais pas si c’était perdre le plaisir mais j’étais tellement mal que je ne savais vraiment plus où j’en étais. Ce que j’aimais, c’était courir et faire du triathlon. Et en même temps, ça ne passait tellement plus avec mon père que j’avais l’impression de plus me prendre la tête que prendre du plaisir.

J’ai fait une saison pratiquement blanche. Ce n’était vraiment pas facile. J’ai abandonné aux Europe et aux Mondiaux (de triathlon) alors que ça ne me ressemble pas du tout. J’ai abandonné trois fois en sept courses (en triathlon) alors que je n’avais jamais abandonné de ma vie (Cassandre Beaugrand a aussi pris la 5e place des Europe juniors sur 3 000 m, ndlr).

(Ces derniers temps), je me prenais moins la tête. Je recommençais à sourire tout le temps et c’était vraiment sympa.

 

Quel va être votre objectif dimanche sur les Europe de cross  ?

Déjà je pense au collectif. J’aimerais bien qu’on aille chercher une médaille d’or. L’argent l’année dernière, c’était vraiment super. On ne s’y attendait pas trop. Là on a vraiment une belle équipe et potentiellement, je pense qu’on peut y a arriver. Après il y a des équipes vraiment fortes. Il va falloir qu’on se surpasse dimanche.

Individuellement, je ne me fixe pas d’objectifs. Ça fait trop peu de temps que j’ai repris. J’ai juste envie de faire la meilleure course et voir où je peux aller, et me faire plaisir comme d’habitude.

 

Marqué lui aussi, Ludovic Beaugrand, papa de Cassandre Beaugrand et donc son ex-coach, expose son point de vue :

« A 18 ans, on n’est plus sous la seule influence de son père. On décide, on fait ses choix. Elle a un entourage qui l’a forcément influencé dans ses choix. Ses choix n’étaient pas ceux que j’avais forcément envisagés pour elle et ne sont pas forcément ceux de la réussite immédiate. J’aurais aimé que les gens qui l’ont récupérée aient un dialogue avec moi, que ça ne soit pas à sens unique. Je n’ai même pas le droit de savoir ce qu’elle fait à l’entraînement.

Quand vous donnez tout à vos enfants et que vous êtes tenu d’un seul coup à l’écart, sans savoir, c’est assez traumatisant sur le plan psychologique. C’est super dur à encaisser.

Ça fait trente ans que j’entraîne. Je l’ai vécu avant. On lie des liens affectifs avec des athlètes qu’on considère comme ses gamins. Mais quand c’est ton propre enfant, c’est puissance 1 000.

J’avais prévu une évolution dans sa pratique, car j’ai métier et je ne pouvais pas honorer autant d’heures d’entraînement qu’il le fallait. J’avais envisagé soit des stages à l’étranger pour aller se confronter aux meilleures internationales, ou bien quelque chose avec le pôle de Montpellier ou à Boulouris. Je m’étais aussi rapproché de Philippe Lucas qui était d’accord pour l’intégrer sur des périodes entraînements.

Cette saison n’est pour moi ce n’est pas un échec sportif. On a moins de 18 ans, on réussit et on gagne tout. Et finalement on pense qu’en faisant tout et n’importe quoi on peut continuer de gagner. Alors qu’il y a l’année du BAC. Pour moi, c’est un manque de rigueur et de sérieux ; et avec les études, la constance de ses résultats n’a pas été la même. Ça a commencé à être fluctuant après les Mondiaux de cross.

Mais on ne peut pas non plus dire que c’est une année noire. Elle fait 4’18’’50 (sur 1 500 m le 27 juin) sur une course tactique (2e au final) en passant en 2’55 pour finir en 1’23’’, entre deux filles qui ont fait entre 4’10 et 4’13’’. C’est quand même costaud. 9’13’’31 (sur 3 000 m le 17 mai), il faut quand même aller les chercher. Faire deuxième à Quiberon (manche de triathlon le 6 septembre) entre Jorgensen (numéro 1 mondiale) et la 2e mondiale (Andrea Hewitt) en sénior, il faut quand même le faire. Mais il y a eu beaucoup moins de constance et de régularité.

Si je n’ai pas fait la part des choses ? Un papa veut que sa fille réussisse et fasse en sorte que ça marche. Peut-être que parfois ça pouvait éventuellement engendrer des conflits mais Cassandre a un caractère très particulier. Elle ne faisait pas forcément les séances toujours comme je le voulais. J’avais anticipé avec Philippe Lucas pour le côté natation, car elle avait des moyens mais pas forcément en eau libre. Je voulais qu’elle fasse évoluer sa pratique avec des gens très très compétents. Je voulais garder un regard attentif et attentionné de manière à ce qu’on fasse un passage en douceur. Mais ça ne s’est pas passé du tout comme çà.

Je pense qu’on est tous les deux traumatisés par la situation, je pense que la sagesse aurait voulu que ça se fasse plus en douceur ».

 Recueilli par Quentin Guillon – Photo YM Quémener

 

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