Changer de nationalité sportive pour augmenter ses chances de percer sur la scène internationale. Comme chaque année, ils sont quelques triathlètes à prendre cette décision. C’est le cas cette saison d’Aurélien Lescure. Le triathlète de Toulouse, barré par la concurrence en France et donc par la possibilité d’avoir accès au circuit WTS, souhaite désormais défendre les couleurs de la Turquie en compétition. En attendant que ce changement de nationalité sportive s’opère en octobre, il ne représentera aucun pays. Il sera uniquement rattaché à la Fédération internationale sur le circuit qu’Aurélien débutera le mois prochain à Abu Dhabi (7 mars). Entretien.

Pour commencer, comment se passe ta préparation hivernale ?

Ma préparation se passe bien. J’ai été un peu retardé par une grippe fin janvier ce qui va rendre plus difficile la première course mais, dans l’ensemble, je suis content du travail accompli cet hiver. Je suis actuellement en stage à Grande Canarie (Espagne) avec des triathlètes et amis Hongrois. Les conditions d’entraînement sont parfaites et on enchaine les kilomètres pour être prêt.

Tu vas retrouver le Grand Prix cette saison, puisque ton club est promu en D1. Ces courses t’ont-elles manquées l’an dernier ?

Oui, c’est une très bonne chose pour mon club du Triathlon Toulouse Métropole (ex Sud Triathlon Performance). Nous nous sommes, cette année, rattaché à la ville de Toulouse, d’où le changement de nom. L’objectif est de créer un grand club ouvert aussi bien aux amateurs, aux jeunes et aux professionnels. La vitrine de l’équipe D1 est donc très importante pour le rayonnement du club de même que la grande épreuve du Triathlon de Toulouse Métropole organisé en centre ville le 29 août. En tant qu’athlète, la D1 est très intéressante. Cela fait des courses ultra rapides et parfaites pour progresser. De plus, le fait que ce soit par équipe est encore plus stimulant. Après, le calendrier international est également chargé avec la qualification olympique qui va se jouer en grande partie cette année. Il sera donc difficile d’être partout.

Tu es actuellement en plein processus de changement de nationalité sportive. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Oui, peu avant la fin de la saison 2014 (juste avant les étapes de Coupe du monde d’Alanya et de Cozumel), cela a été très dur pour moi d’apprendre que, d’une part, je ne serai plus considéré comme un athlète de haut niveau par la FFTri (radiation des listes ministérielles) et, d’autre part, que je n’aurai pas d’autres chances supplémentaires en WTS comme cela devait être le cas au départ lors de ma participation à la WTS de Stockholm. Fin novembre, la fédération Turque, qui recherchait un athlète international pour les aider à développer le triathlon dans leur pays, m’a fait savoir qu’ils seraient très intéressés par mon profil. Le choix n’a pas été facile, cela signifiait de renoncer à porter les couleurs de la France et toute l’image et les valeurs qui vont avec et auxquelles je suis très attaché. Mais imaginez-vous dans le cadre professionnel, qu’une entreprise concurrente de celle dans laquelle vous avez toujours travaillé (et dans laquelle on vous refuse toute évolution malgré votre excellent travail) vous propose le poste dont vous avez toujours rêvé. Hésiteriez-vous longtemps? Par ailleurs, j’ai toujours été très bien accueilli par le peuple Turc et je serai fier de le représenter sportivement.

A

Est-ce que le fait d’être barré en équipe de France par cette génération incroyable (Hauss, Raphaël, Luis, Coninx, Montoya…) a motivé ton choix ?

Le niveau français est excellent et très dense. Cela est très bien pour notre sport. La fédération est donc obligé de faire des choix et je n’ai malheureusement pour moi pas le profil qu’elle recherche malgré mes performances en Coupe du monde. Ce qui a principalement motivé mon choix est que je n’avais pas la possibilité de participer aux WTS même en proposant d’y aller à mes frais et lorsque les quotas français ne sont pas remplis alors que mon classement mondial me le permettrait. Comment faire mes preuves sur ce circuit dans ces conditions ? Ceci était extrêmement démotivant pour moi et j’étais face à deux choix : soit j’arrêtais ma carrière au sommet de ma forme et le regret de ne pas avoir pu défendre mes chances, soit je saisissais l’opportunité de changer de nationalité pour vivre ma passion jusqu’au bout. Il me semble que la vie est trop courte pour se permettre d’avoir de tels regrets.

La possibilité de pouvoir participer en 2016 aux JO a-t-elle été aussi une motivation supplémentaire à changer de nationalité sportive ?

La motivation première était de pouvoir enfin courir au plus haut-niveau en choisissant mes courses et en affrontant les meilleurs mondiaux. Après, il est certain que pouvoir participer aux Jeux olympiques était un gros plus dans ma décision.

Quels sont les liens qui te rattachent à la Turquie ?

Aucun, je vais obtenir un passeport Turc et j’aurai ainsi une double nationalité. Mais je n’ai aucune origine Turque.

Comment va s’articuler ta saison internationale en 2015 ?

L’objectif premier cette année est la qualification aux JO. Pour cela, il faut que je sois à minima dans les 55 meilleurs mondiaux au classement olympique en mai 2016. Je suis actuellement 54ème avec très peu de courses donc cela semble jouable. Pas besoin de se mettre plus de pression, néanmoins mon but serait de terminer l’année dans le Top 30 afin de ne pas avoir à courir après les points début 2016. Cela rendrait la préparation pour l’épreuve des JO moins optimale. Je vais donc faire un premier test à la WTS d’Abu Dhabi le 7 mars. Il a toujours été dur pour moi d’être prêt si tôt dans la saison donc je prends cette première course comme un test pour voir où j’en suis. Puis, il y aura les gros objectifs avec Cap Town (WTS fin avril), Chengdu (Coupe du monde), Yokohama (WTS) et Londres (WTS) en mai. Je ferai un point après cela pour voir la meilleure stratégie à adopter.

A partir de quand pourras-tu représenter la Turquie sur le circuit ITU ?

Normalement, un délai de trois ans est nécessaire pour représenter un nouveau pays lors d’un changement de nationalité sauf si le pays quitté donne son accord. La FFTri a bien compris ma démarche et je l’en remercie. Je devrais donc pouvoir courir sous les couleurs de la Turquie en octobre 2015. En attendant, je vais courir avec une tenue neutre sur les courses internationales sans représenter de nations.

Propos recueillis par Basile Regoli

Inscrivez-vous à la newsletter TriMag.

Recevez gratuitement une fois par mois Triathlon Addict, la newsletter des Dingues de Triathlon » et rejoignez la communauté Triathlon Spirit

A lire aussi sur Triathlon Spirit