À l’heure où toutes les compétitions sont arrêtées, où le monde se pose de graves questions et nous est sauvagement rappelée la vraie fragilité de nos vies, il est important de savoir se poser et discuter calmement, d’aller au fond des choses avec des gens intelligents, peut-être même des visionnaires. Yvan Jarrige est un sensible. Un peu rebelle, un peu rêveur. Il est en tout cas loin de l’image du pur performer technique qui n’aurait pas grand chose à raconter.

Propos recueillis par Gaël Couturier. Photo ORCA

Mi-Jan Frodeno mi-mousquetaire français. Bandeau dans des cheveux en bataille peut-être, mais barbichette du 17ème siècle quand même. L’homme a un style. Un verbe aussi. Réfugié dans une maison de campagne de Drôme durant la crise sanitaire, le Normand d’adoption a pris le temps de nous parler longuement. Sur ses aptitudes et ses résultats, Yvan Jarrige, est serein, sûr. Mais le plus important n’est pas là. Que nous soyons triathlète, ou pas, le présent nous inquiète, l’avenir est incertain. Au-delà de la contagion, du virus et des victimes, il est important de prendre de la hauteur et de s’interroger sur les vraies causes de la crise, les valeurs qui vont rester, les changements à opérer.

TriMag : Après un premier Ironman en 2015 en Malaisie où tu finis 22e, tu devais participer à ton premier « vrai » Ironman cette saison avec un objectif de performance. Malheureusement, le coronavirus t’a pour le moins coupé l’herbe sous le pied. Tu le vis comment, toi qui a un profil scientifique puisque, rappelons-le, tu es titulaire de deux Masters (Master en sciences physiques et Master « qualité, sécurité, environnement ») ?

Yvan Jarrige : C’est la première année où je vis de ma situation de pro à 100%. Elle est enfin devenue pérenne. Je ne fais plus que survivre, comme beaucoup d’entre nous à nos débuts dans ce sport. Dans cette crise, je crois qu’il faut savoir que la nature nous a très vite rappelé à l’ordre. On a beau se dire que c’est un discours bateau, ça n’empêche que c’est une réalité qui nous a explosé au visage sans crier gare. En une semaine, tout le monde s’est retrouvé à faire du vélo d’appartement sur Zwift et consorts…

TriMag : Ironman s’est justement rapidement lancé là-dedans avec ses courses virtuelles mais bon, à part quelques pros sans doute payés par Ironman pour promouvoir le truc, franchement ça n’excite personne, si ?

Yvan Jarrige : Non, c’est sûr que c’est juste marrant 5 minutes. En plus, je sais que sur Zwift, tu peux tricher très facilement, en rentrant un poids qui est faux, ou en ayant un capteur qui n’est pas étalonné. Du coup, un gars sur une essoreuse à salade peut aller plus vite qu’un gars sur son vélofull carbon avec une position bien aéro ! Ça devient vite n’importe quoi. L’intérêt, je le reconnais, c’est le côté « fun » du système. Je ne le remets pas en cause car ça fait non seulement passer le temps hyper vite sur ton home-trainer mais ça rapproche aussi les gens dans des sorties en groupe ou des compétitions, mais il ne faut pas oublier que tout ça reste virtuel.

TriMag : C’est à dire que c’est un bon complément mais il ne faudrait pas que ça devienne la norme, c’est ça ? Et que penses-tu de ces gens qui sont pour le coup très créatifs et qui font des marathons dans leur salon, sur leur balcon, dans leur garage etc… ?

Yvan Jarrige : D’un point de vue purement sportif, ces compétitions virtuelles n’ont que très peu d’intérêt. En tout cas disons que ce n’est pas ma vision du sport. En revanche, j’ai l’impression qu’on n’a jamais eu autant de coureur à pied en France qu’aujourd’hui. C’est peut-être très latin : on t’interdit de le faire, alors tu le fais encore plus, je ne sais pas. Cela n’empêche que c’est positif de voir autant de gens faire du sport aujourd’hui ! Les gens se re-découvrent des passions, n’ont pas le choix que d’être créatif, se lancent des défis de dingue et je trouve ça génial. N’oublions pas que nous, en tant qu’athlètes pros, mais d’une manière générale tous les triathlètes et les gens qui font des marathons aussi par exemple, on est habitué à faire beaucoup de sport et des trucs qui, pour beaucoup, sont un peu fous. Les défis dans les garages ou sur les balcons dont tu parles, c’est souvent réalisé par des gens lambda, des amateurs, voire carrément des débutants ! Ces gens se fixent des objectifs de dépense physique alors qu’on est tous dans une période très anxiogène. Je trouve ça très bien…

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