Cassandre Beaugrand : « Un poids en moins… »

Seule triathlète française à être présélectionnée pour les Jeux olympiques de Paris 2024, Cassandre Beaugrand sort d’une saison où elle a montré qu’elle avait les capacités physiques et mentales pour jouer aux avant-postes sur le format olympique. Elle revient sur cet aspect-là et les critiques qui lui sont souvent faîtes, et se projette sur Paris 2024 qu’elle préparera depuis l’Angleterre.
Recueilli par Killian Tanguy
Cassandre, tu as terminé deuxième du test-event. Au-delà de la place, quel était ton objectif ? Découvrir et prendre des repères pour l’année prochaine ou se rassurer ?
C’est vrai que le test-event a permis de prendre des repères et de se préparer pour l’été prochain. C’était important de faire le parcours et de voir tout ce qu’il y avait à repérer. Si je pouvais faire les critères, c’était mieux, mais je n’y pensais pas constamment. On est 3 filles et on risque d’avoir 3 slots. La pression n’était pas forcément là. Je voulais performer tout au long de l’année et je voulais essayer de me rapprocher plus possible du podium mondial, vu que j’avais terminé 5e en 2022.
Cette année, tu finis à la deuxième place de la WTCS derrière la Britannique Beth Potter. Quel bilan en tires-tu ?
Au début de l’année, mon coach m’avait demandé quels étaient mes objectifs personnels. Il y a les objectifs de la fédération, mais il y a aussi nos objectifs personnels dans un coin de nos têtes. Je lui ai dit, justement, que je voulais essayer de me rapprocher du podium mondial. En 2022, il me semble que j’avais entamé la grande finale à la troisième place, donc j’avais été assez déçue de ne pas avoir pu m’exprimer (10e de la grande finale) et valider ce podium. Et puis pour moi, c’était un tout. Si je réussissais mon test-event et ma grande finale, je serais bien classée. Au début de la saison, je me serais pleinement satisfaite de ma deuxième place, mais en arrivant en tête avant la grande finale, j’ai eu un mélange d’émotions à l’arrivée. Je me sentais vraiment en forme cette année, je savais que j’avais les capacités, mais j’ai une énorme frustration de ne pas pouvoir m’exprimer pleinement sur la dernière course (3e) parce que j’avais des crampes…C’est vraiment frustrant et ça me gâche un peu mes courses.

Tu as été championne du monde sur le format super sprint cette année. Comment gères-tu les différents formats ?
J’ai entendu pas mal de personnes me critiquer parce que j’ai toujours performé sur le format sprint, et j’ai eu du mal à passer un cap sur le format olympique. Avant cette saison, ma meilleure place c’était 8e sur la distance olympique. Donc, forcément, j’attendais mieux. Cette année, j’espérais pouvoir me rapprocher le plus possible du podium pour confirmer et je fais 4e à Cagliari (Italie) puis 2e (au test event) et 3e (à la grande finale à Pontevedra), donc je ne pouvais pas être plus satisfaite. Mais les deux formats vont de pair. Si on est bon sur sprint et super sprint, il faut juste persévérer un peu pour essayer d’être meilleur sur olympique.
À Tokyo, il y avait beaucoup de déception en individuel après l’abandon. Le lendemain de cette course, est-ce que tu t’étais donné rendez-vous à Paris ou est-ce que c’était compliquer de se projeter sur les trois années à venir ?
J’étais au fond du trou. C’était hyper difficile parce que Léonie Périault est l’une de mes meilleures amies et je me devais d’être présente pour montrer que j’étais contente pour elle (5e des Jeux). Et en même temps, j’étais complètement détruite. On partageait la même chambre, elle était super contente parce qu’elle avait fait une superbe perf’ et moi j’étais complètement au fond du trou. J’étais hypersensible à ce moment-là et je pense que mes partenaires avaient très peur pour le relais. Si tu vois quelqu’un au fond du trou, dans son lit et qui ne veut plus bouger, et bien tu te dis : « M***e, va falloir qu’elle se bouge quand même ! » (rire). Mais en relais par équipe, je suis capable de me transcender encore plus donc je savais que je serai présente au relais et que j’aurai envie de montrer ce que je vaux vraiment. Après les Jeux, ça a été très compliqué. Je n’ai même pas voulu poursuivre ma saison. Je voulais qu’on me laisse tranquille. Je suis partie en vacances, et je ne voulais plus qu’on me parle de triathlon. Je m’étais beaucoup investie, je performais vraiment bien aux entraînements avant de partir à Tokyo et j’avais vraiment confiance en moi. J’ai mis la barre trop haute et je me suis mis la pression toute seule.
Est-ce quelque chose que tu as travaillé depuis ?
Maintenant, je prends les courses les unes après les autres. Même si j’étais déçue après ma deuxième place je me suis dit : « Attends. Pose-toi 2 secondes. En 2021, t’as fait une saison pourrie, t’étais au fond du trou et là, tu viens de faire un podium. » J’arrive plus à relativiser et je pense que ça m’a fait beaucoup de bien de partir en Angleterre. C’est un autre environnement, je vois une autre mentalité et ça m’a apporté d’autres choses.

Que t’a apporté ce déménagement de l’autre côté de la manche ?
L’Angleterre est une grande nation du triathlon. Ce sont les Britanniques qui finissent premiers au test-event (Alex Yee vainqueur chez les hommes, Beth Potter chez les femmes et la Grande-Bretagne a terminé deuxième sur le relais mixte). Mon copain est Anglais donc ça m’a aussi permis de tenter l’expérience et c’est bien de voir une autre culture. J’avais envie de bouger, mais je ne savais pas forcément où aller. Finalement, c’est un super groupe (elle s’entraîne avec celui d’Alex Yee ndr). Je suis un peu partie à l’aveugle, la fédération avait un peu peur, mais je savais que j’étais travailleuse et je voulais prouver que j’avais fait le bon choix.
La préparation d’une saison olympique est toujours particulière. Comment vas-tu utiliser cette pré-sélection ?
Avoir rempli les critères de sélection enlève un poids. Mais ça ne va pas forcément changer grand-chose. J’ai déjà eu une première vue sur le calendrier que je pourrais avoir et mon objectif est de rester au maximum possible en Europe pour éviter le jet-lag, et perdre en entraînement et en fatigue. Je viens juste de rentrer de vacances, donc je vais voir avec mon coach.
Photos World Triathlon