C’est en partie grâce à Julie Moss que nous en sommes là, tous, vous et nous. En 1981, ce petit bout de femme, jeune étudiante universitaire de 23 ans, se lance le défi de l’Ironman d’Hawaii, comme ça, pour avoir quelque chose à écrire dans un travail de recherche. Mal préparée, plus surfeuse que triathlète, son innocence s’est alors fracassée sur la dureté de l’Ironman, le 6 février 1982. Mais elle n’a rien lâché. À plusieurs reprises, elle est tombée par terre sur le bitume de Kona, à bout de forces. Elle s’est relevée à chaque fois et a continué sa course folle, avant de retomber, quelques mètres plus loin. Julie Moss passera la ligne en rampant et en deuxième position, 29 secondes seulement après la gagnante du jour, Kathleen McCartney, et après avoir pourtant mené la course de bout en bout. Les caméras de télévision étaient là pour immortaliser le spectacle de cette athlète qui pousse son corps quelques mètres de plus grâce à un mental hors norme. Le mythe de l’Ironman était né. Ni plus ni moins. 37 ans plus tard, nous l’avons rencontrée.

 

TriMag : Vous rappelez-nous comment vous en êtes venu à faire l’Ironman d’Hawaii en ce 6 février 1982 ?

Julie Moss : J’avais vu l’Ironman à la télévision l’année d’avant et j’avais trouvé ça complètement dingue, dans le bon sens du terme ! Et puis ça se passait à Hawaii qui, étant donné que j’étais une Californienne fan de surf, m’attirait forcément beaucoup. Bon, le fait d’avoir tous ces beaux mecs en petit maillots de bain et foutu comme des dieux sur la plage au départ m’avait aussi vachement séduite. J’avoue ! À l’époque, j’étais étudiante en kinésiologie et je devais réaliser un travail de recherche. J’avais réussi à faire valider cette histoire d’Ironman par mon directeur de mémoire, par mes parents aussi, et je me suis donc consacré à lui comme je le faisais généralement avec tous mes autres devoirs et travaux universitaires : en dilettante. Et c’est seulement deux mois avant la course que je me suis vraiment mise au travail et que je me suis intéressée à l’entraînement nécessaire pour réaliser ce défi de dingues. Je faisais déjà beaucoup de surf, je courais un petit peu et j’utilisais mon vélo mais seulement pour me déplacer. Je ne faisais pas de triathlon par contre, non.

 

TriMag : Une fois dans la course, vous vous débrouillez bien puisque vous êtes en tête. Et puis aux alentours du semi-marathon, les choses commencent à se dégrader, sérieusement même. Les images parlent d’elles-mêmes. Ce sont celles où on vous voit vous écrouler au sol, à quelques mètres de la ligne d’arrivée. Vous étiez d’ailleurs déjà tombé trois autres fois avant. Pouvez-vous nous rappeler ce qui se passe dans votre esprit à ce moment-là ?

Julie Moss : Contrairement aux autres fois dont vous parlez, quand j’ai voulu me relever sur Alii Drive, à quelques mètres de l’arrivée donc, mes bras ne me portaient plus. Je voyais la finish line oui, mais je ne pouvais rien faire. J’avais épuisé toutes mes options. La course n’était pas terminée mais j’étais en grande difficulté. Et pourtant, quelques instants avant, j’allais moi aussi rentrer dans l’histoire. Je me voyais déjà lever mes bras au ciel, comme ces quelques autres femmes que j’avais vues avant à la télévision dans Wide World of Sports sur ABC, Linda Sweeney, Robin Beck ou Lyn Lemaire. Mais là, j’avais les caméras de télévision braquées sur moi, j’étais au sol, à l’agonie, j’avais peur, j’étais humiliée. Et puis je voulais abandonner. C’est là la première fois dans la course que je pense à abandonner. Et puis pendant les 29 secondes qui m’ont séparé de Kathleen qui me double quand je suis au sol et franchit la ligne avant moi, je passe d’un état à un autre. À un moment je me dis que tout ça est complètement stupide, que ça ne sert à rien et que je dois abandonner. Et quelques secondes plus tard, je retrouve le courage et la détermination pour avoir à nouveau l’envie de me battre et d’en finir proprement : en franchissant la ligne.

 

TriMag : Si vous aviez gagné la course cette année-là, vous ne seriez sans doute pas aussi connue que vous l’êtes aujourd’hui. Cette cuisante défaire vous a apporté beaucoup plus de reconnaissance que votre adversaire du jour : Kathleen McCartney. C’est votre persistance, votre acharnement qui vous ont rendu célèbre. Alors que c’est elle qui gagne la course ! C’est assez dingue quand on y réfléchit. Mais, dans le même temps, ne croyez-vous pas que c’est justement ce qui caractérise l’Ironman pour la plupart d’entre nous ?

Julie Moss : C’est sûr qu’avoir terminé seconde et avoir reçu beaucoup plus d’attention que la gagnante n’est pas chose commune. Mais je n’ai évidemment aucun regret de la manière dont s’est passé la course, ni d’avoir perdu, ni d’avoir ainsi retenu l’attention des médias. Je crois, comme vous, que vous êtes un champion Ironman quand vous passez la ligne. Point. Tout le reste n’a pas beaucoup d’importance. Le vrai sujet de l’Ironman, ce n’est donc pas la victoire, le chrono, les temps intermédiaires, les watts, tout ça… Le vrai sujet de l’Ironman c’est de finir la course, même si vous devez vous mettre à ramper pour y arriver. Évidemment, je suis aussi très fière d’être la fille qui incarne ce paradigme !

 

INTERVIEW INTEGRALE A RETROUVER DANS LE NUMERO 84 DE TRIMAG DISPONIBLE EN LIGNE ICI

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