Tout semble réussir à l’entraîneur luxembourgeois Dan Lorang. Passé par la Fédération allemande de triathlon et le courte distance pour coacher les athlètes olympiques, il suit Anne Haug – nouvelle championne du monde Ironman – depuis 15 ans, et Jan Frodeno – triple champion du monde Ironman – depuis belle lurette également. Il est aussi devenu le très sérieux Head of Innovation au sein de l’équipe allemande de cyclisme pro Bora Hansgrohe, dans laquelle évolue le quintuple champion du monde UCI Peter Sagan. Rien que ça. Il nous a paru intéressant d’aller discuter avec ce Mentor.

TriMag : Dan, merci de nous accorder un peu de votre temps. Je vais commencer par vous demander quelques infos sur ce que nous pouvons appeler « l’école allemande ». Car les performances des garçons allemands sur l’Ironman World Championship 2019 sont tout bonnement hallucinantes, comparées aux autres nations…

Dan Lorang : Vous savez, je ne pense pas qu’il y ait, comme vous dites, une « école allemande » honnêtement. Enfin, je ne sais pas. Après tout, pourquoi pas. C’est un terme intéressant. Mais en réalité, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a beaucoup de gens en Allemagne, des athlètes, des coachs, qui s’intéressent et qui sont même fascinés par ce que le triathlon est devenu. Ils s’y investissent tous énormément. C’est même une passion dévorante.

TriMag : Depuis 1993 et la troisième place de Wolfgang Dittrich, il y a toujours eu, à de très rares exceptions près, un athlète allemand homme sur le podium à Kona. Rainer Müller-Hörner, Thomas Hellriegel, Lothar Leder, Jürgen Zäck, Normann Stadler, Faris Al-Sultan, Andreas Raelert,  Sebastian Kienle, Jan Frodeno et bien sûr Patrick Lange sont tous au moins une fois monté sur le podium. En 2016, le podium masculin était à 100% Allemand : Jan Frodeno, Sebastian Kienle, Patrick Lange. Alors ? Elle existe cette « école allemande » ou pas ?

Dan Lorang : ah ah ah…comme partout, le triathlon est en Allemagne un sport en pleine croissance. Pour faire de l’Ironman et être performant sur la distance, il faut savoir s’organiser, être très discipliné et être bon dans la gestion de son temps. Les Allemands sont peut-être meilleurs que les autres dans ce domaine ? Ce que je peux vous dire, c’est que la recherche en physiologie du sport prend de plus en plus d’importance là-bas. Les études sont là, les données et les résultats sont accessibles à de plus en plus de gens. Et puis, dernière chose : le succès d’un athlète en particulier est une source importante, essentielle même, de motivation pour les plus jeunes. J’en suis convaincu.

TriMag : En 2017 et en 2018, Jan Frodeno n’a pas produit son meilleur niveau à Kona. En 2017, on s’en souvient, il a semblé souffrir à vélo mais c’est sur le marathon qu’il s’est écroulé. En 2018, il n’est pas venu. En 2017, est-ce qu’il ne s’est pas blessé sur le vélo à essayer de suivre le rythme des Lange, Sanders, McNamee et Kienle ?

Dan Lorang : Il s’est blessé, mais ça n’avait rien à voir avec l’intensité éventuellement donnée par les têtes chercheuses que vous me citez. En réalité, ce qui s’est passé, c’est que quelque chose dans son dos avait fini, au fil des heures et des kilomètres, par lui couper un peu la circulation et irriter son système nerveux. Ses muscles du dos se sont alors peu à peu crispés et il était logique qu’à un moment donné, après des heures d’effort sur le vélo à ne pas bouger son dos, la douleur soit devenue insupportable. Jan ne s’en est pas vraiment rendu compte sur le moment en fait, ce qui explique qu’il n’ait pas pu rectifier sa position et que les dégâts aient été si soudain et si importants sur le marathon.

TriMag : L’année d’après, en 2018, Jan n’est pas venu à Kona. Il a certes remporté les championnats du monde de 70.3 mais on se demande si là encore l’intensité n’a pas été trop dure, si les ressources qu’il a dû mettre en place pour s’imposer face à Brownlee et Gomez n’ont pas été trop importantes et si ce n’est pas à cause de cela qu’il s’est blessé. Qu’en pensez-vous ?

Dan Lorang : Non, là encore, franchement, l’intensité déployée ce jour en Afrique du Sud n’a pas été un souci pour Jan Frodeno. Mais je peux comprendre que ça soit l’image qu’il ait pu transmettre. Bien sûr, et vous avez raison de le souligner, l’intensité était très forte ce jour-là avec les autres coureurs, tous plus jeunes que lui. Mais, croyez-moi, Jan était préparé à ça. Ce qui s’est passé, c’est que quelques semaines avant cette finale des World Championships, Jan a eu un accident de vélo, où il s’est vraiment fait mal. Les doses d’entraînements accumulées, et puis cette compétition très intense, a fini par réveiller cette blessure. C’est donc cet accident de la circulation qui l’a handicapé et empêché de revenir s’imposer à Kona en 2018. Rien d’autre.

TriMag : Oui mais alors la question c’est de savoir si Jan Frodeno, et vous, puisque vous étiez déjà son entraîneur, à cette époque, vous avez ou pas commis d’erreur dans sa préparation et récupération ?

Dan Lorang : Votre question est légitime. Ce que je peux vous dire c’est qu’on s’est vraiment penché sur tous les chiffres qu’on a pu recueillir sur les entraînements de cette époque et je ne pense pas qu’on ait commis d’erreur importante, non. Toutefois, peut-être qu’en 2017, on aurait pu réagir différemment quand il s’est plaint d’une douleur aux quadriceps qu’il traînait depuis plusieurs années. Peut-être….Peut-être aussi que ce problème aux jambes est lié à sa blessure au dos de Kona dont je vous parlais plus haut. On ne sait pas…

TriMag : Cela dit, certains d’entre nous ont quand même été surpris que Jan soit capable de revenir aussi fort à Hawaii en octobre dernier, où il s’est donc imposé pour la 3ème fois et à 38 ans. On s’est dit que, peut-être, il n’allait jamais revenir au top niveau. On s’est dit qu’il était « fini ». Est-ce que ça a été difficile pour lui – et pour vous – de revenir à ce très haut niveau-là ? Et surtout qu’est-ce que vous avez mis en place tous les deux pour assurer ce retour pour le moins tonitruant ?

Dan Lorang : En 2018, vous savez, même s’il n’était pas au départ à Kona, Jan était très fort. Son niveau de performance était incroyable. Nous savions aussi parfaitement quoi faire pour le ramener non seulement sur cette ligne de départ hawaiienne, et, en étant réaliste, pour une finish line victorieuse. On avait un an pour reproduire ce type de très haut niveau de performance et c’est ce que l’on a fait. Bien sûr que Jan Frodeno a un talent fou mais c’est aussi quelqu’un d’extrêmement concentré sur son activité et qui aime ce qu’il fait par-dessus tout. C’est pour cela qu’il est capable de le faire chaque jour à cette intensité et qu’il se fixe ce genre d’objectifs. Au départ, il a eu du mal à dépasser cette année 2018 qui ne s’est pas bien terminée et à se remettre au travail, mais c’est sa motivation qui a fait la différence. Jan était très, très motivé et il était de plus convaincu qu’il pouvait le faire.

TriMag : Quelles sont les forces et les faiblesses de Jan Frodeno, d’après vous ?

Dan Lorang : Vous savez, c’est très difficile de trouver des points négatifs avec Jan Frodeno. Ça ne fait même pas tellement sens de discuter de cela, car il n’a pas de point faible. Son principal point fort, c’est qu’il est un vrai triathlète. Il est très fort dans les trois sports. Cela fait 20 ans qu’il est au plus haut niveau et il a accumulé énormément d’expérience. Et puis il a quand même réussi à prendre soin de son corps et celui-ci est encore en pleine forme pour un quasi-quadra. En plus de cela, Jan adore son job. C’est sa passion, et il ne voudrait certainement pas faire autre chose de sa vie en ce moment.

TriMag : Est-ce qu’il peut gagner Kona une 4ème fois ? En octobre prochain, il aura 39 ans et demi. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Dan Lorang : Bien sûr, on ne peut pas prévoir comment son corps va réagir année après année mais je crois qu’il peut encore le faire. Et lui aussi. Ça sera bien entendu très dur car il y a toujours d’autres très bons triathlètes mais aussi d’autres très bons coachs ! (Rires). Ça va être intéressant pour nous c’est sûr, mais aussi pour vous, critiques et spectateurs.

(….)

Recueilli par Gaël Couturier

L’interview complète a retrouver dans le Numéro 89 disponible ICI

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